martes, 3 de mayo de 2011

LE MONDE: "UN MOMENT DE GRÂCE POUR LE PRÉSIDENT OBAMA"

Editorial du "Monde"

Un moment de grâce pour le président Obama

LEMONDE | 03.05.11 | 13h09

Barack Obama doit savourer ce moment. A bon droit. Le président américain a gagné en stature. Il a pris la bonne décision, il y a huit mois, en relançant la traque d'Oussama Ben Laden au Pakistan. Il a pris la bonne décision, ces tout derniers jours, en autorisant l'attaque de la villa où se trouvait le chef d'Al-Qaida. Il a pris la bonne décision en choisissant un raid des forces spéciales, et non un tir à distance - drones ou missiles - qui aurait pu faire des victimes alentour.

Il a annoncé la nouvelle avec élégance, rendant hommage à ses prédécesseurs et aux forces armées : discours sobre, dépourvu de tout triomphalisme ou emphase - rien du ridicule "mission accomplie" lancé par son prédécesseur, George W. Bush, accoutré en pilote de guerre, pour proclamer en 2003, du pont d'un porte-avions, la "victoire" américaine en Irak... La classe, d'un côté ; de l'autre, un numéro de machisme déplacé pour mauvais scénario de BD !

Un autre scénario aurait été que Ben Laden fût arrêté, mis au courant de ses droits puis traduit en justice. Les circonstances - ou les responsables - ont tranché. Dans tous les cas, M. Obama en ressort grandi. A moins de deux ans du scrutin présidentiel de novembre 2012 où il compte bien solliciter un second mandat, ce n'est pas anodin.

Il fait taire ceux de ses adversaires républicains qui n'ont cessé d'émettre des doutes sur sa faculté à prendre des décisions difficiles. Il ridiculise ceux qui l'ont qualifié de "spectateur en chef" et non de commandant en chef.

Il renvoie à leur nanisme politique ceux qui, doutant de sa citoyenneté, mettent en question son "américanité" et l'ont récemment obligé à fournir un extrait de naissance complet, prouvant qu'il était bien né aux Etats-Unis. Enfin, il abandonne à leur bassesse morale ceux qui n'ont jamais admis qu'un homme noir et de père musulman puisse être le président des Etats-Unis.

C'est important parce qu'il ne s'agit pas là de critiques minoritaires. Il s'agit d'un discours ressassé par nombre de présentateurs vedettes du camp républicain. Il est puissamment relayé par un média de masse à leur entière disposition : la chaîne Fox News de Rupert Murdoch.

M. Obama doit profiter de ce moment à satiété. Car il ne va pas durer. Le président démocrate est trop fin politique pour l'ignorer. Il a gagné en stature, on l'a dit. Il donne un coup de fouet au moral des Américains, qui en ont bien besoin. Mais l'élection se joue sur les questions économiques : chômage, croissance, dette publique etc.

George Bush père, gestionnaire avisé de la fin de la guerre froide et tout auréolé d'avoir chassé les troupes irakiennes du Koweït, n'a pas été réélu en 1992 - pour cause de croissance molle, notamment.

Demain, M. Obama retrouvera les dossiers intérieurs et l'ingratitude d'une situation caractérisée par une batterie de mauvais indicateurs. Mais il l'affrontera avec une image personnelle rehaussée, celle d'un homme qui a su prendre la bonne décision au bon moment. Qu'il ne boude pas son plaisir !

Article paru dans l'édition du 04.05.11

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