martes, 26 de abril de 2011

LE MONDE: "L'INSUPPORTABLE EXCEPTION SYRIENNE"

Editorial du "Monde"

L'insupportable exception syrienne

LEMONDE | 26.04.11 | 14h34 • Mis à jour le 26.04.11 | 15h31

En Syrie, la répression tourne au "massacre", pour reprendre l'expression utilisée par l'organisation Human Rights Watch. Les morts se comptent par centaines, les blessés par milliers. Confronté depuis un mois et demi au grand mouvement de révolte arabe, le régime du président Bachar Al-Assad répond par la violence. Et bénéficie d'une impunité internationale dont n'ont disposé, avant lui, ni l'EgyptienHosni Moubarak ni le Libyen Mouammar Kadhafi, pas plus que le Tunisien Ben Ali... Il y a une étrange exception syrienne.

Lundi 25 avril, "couronnement" de quatre jours de répression sanglante dans tout le pays, le régime a envoyé les chars et l'infanterie infliger une terrible punition à la petite ville de Deraa. Elle est située à l'extrême sud de la Syrie ; elle "paye" parce qu'elle a été la première à défier le pouvoir.

Les rares témoignages parvenus d'un pays fermé à la presse font état de scènes de terreur. L'électricité et le téléphone ont été coupés. D'épais nuages de fumée planaient au-dessus du centre-ville, où étaient entendues de lourdes détonations.

Bachar Al-Assad a peut-être décidé de casser la rébellion en faisant un "exemple" à Deraa, comme son père avait martyrisé la ville de Hama en février 1982 - plusieurs milliers de morts - pour enrayer une précédente révolte.

L'assaut sur Deraa survient après le bain de sang du vendredi 22 avril. Ce jour-là, à la sortie de la prière, des manifestations ont réuni des dizaines de milliers de protestataires pacifiques dans la plupart des villes du pays. Sans sommation, miliciens et militaires ont ouvert le feu : plus d'une centaines de personnes ont été tuées. Cela porte à près de 400 le nombre de Syriens tombés sous les balles du régime depuis un mois et demi.

La répression n'avait pas fait tant de morts en Egypte, voire en Libye, avant que la "communauté internationale" ne se mobilise. Deux poids, deux mesures ? Oui. Parce que Damas "pèse plus" sur l'équilibre stratégique de la région que Le Caire ou Tripoli.

Au pouvoir depuis quarante ans, la famille Al-Assad - Bachar a succédé à son père, Hafez, en 2000 - appartient à la minorité alaouite (une dissidence de l'islam chiite) du pays ; elle gouverne avec l'appui des autres minorités, chrétienne et druze, notamment.

Elle a tissé des liens étroits avec la République islamique d'Iran. Elle est l'alliée du Hezbollah chiite libanais. Elle a noué des relations économiques importantes avec la Turquie. Elle tient le pays d'une main de fer, s'imposant à la majorité sunnite par la terreur, l'arbitraire et la corruption.

Mais elle est garante d'une manière de statu quo régional auquel tout le monde est attaché - d'Ankara à Washington, de Riyad à Jérusalem. Sa disparition laisserait la voie, dit-on, aux Frères musulmans, actifs chez les sunnites. Alors, on tolère à Damas ce que l'on a condamné au Caire et à Tripoli.

Cette complaisance n'est plus possible. A l'heure du martyre de Deraa, il faut isoler et sanctionner le régime de Bachar Al-Assad.

Article paru dans l'édition du 27.04.11

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