lunes, 31 de enero de 2011

DAVOS 2011

Editorial du "Monde"

Davos face à la montée des inégalités sociales

LEMONDE | 31.01.11 | 13h36 • Mis à jour le 31.01.11 | 13h36

Le ton était, cette année, moins péremptoire que jamais. Davos a retenu la leçon de ce début de siècle : plus de profession de foi dogmatique vantant les mérites du marché, fini les credos intempestifs sur les miracles de la mondialisation et l'indépassable efficacité du libre-échange sans contrainte aucune.

La crise de 2008-2009 est passée par là. L'édition 2011 de ce festival des élites "globalisées" qu'est le Forum économique mondial réuni chaque année pour quatre jours au coeur des Alpes suisses a été celle de la prudence. Elle a été aussi celle d'une inquiétude stratégique nourrie par les événements de Tunisie et d'Egypte.

Davos est le juste reflet d'un monde globalisé, celui des réalités économiques d'aujourd'hui. Plus que les années précédentes encore, les délégations de Chine, d'Inde, d'Indonésie, de Russie, du Brésil et d'autres encore parmi les nouvelles puissances émergentes ont dominé le Forum 2011. "Nous sommes vraiment des stars", disait, sans cacher aucunement sa satisfaction, un industriel indien.

Mais Davos se veut aussi le reflet d'un autre aspect du monde actuel : c'est un monde "interconnecté", où, l'oeil fixé sur l'écran sombre de leur plate-forme électronique personnelle, les "décideurs globaux" vivent, à la nanoseconde près, au rythme des soubresauts de l'époque, pour en évaluer les répercussions économiques et financières possibles.

Alors, certes, Davos 2011 a salué la croissance retrouvée - vigoureuse en Asie, prometteuse aux Etats-Unis, faiblarde en Europe. Mais ce fut une célébration timide, où l'on s'attacha surtout à pointer les sérieux risques qui pèsent sur la reprise. Parmi ceux-ci figuraient bien sûr l'endettement des Etats-Unis, de l'Europe et du Japon, les pressions sur les prix des matières premières et les risques d'inflation. Mais aussi une interrogation, désormais majeure, sur la nature de la croissance. Selon experts et responsables, c'est une croissance trop peu créatrice d'emplois, "profondément inégalitaire" et qui laisse au bord de la route des pans entiers des populations concernées.

Le niveau de "l'instabilité stratégique monte", a-t-on observé. La remarque concernait les événements d'Egypte, pays cité à Davos comme le bon exemple du monde arabe pour les réformes économiques accomplies ces derniers temps et la croissance de quelque 5 % qu'il connaît depuis plusieurs années. Si la révolte des Egyptiens doit beaucoup à un régime politique sclérosé, autoritaire et brutal, elle s'explique aussi par un type de développement économique marqué du sceau d'une terrible inégalité sociale.

Ce n'est sans doute pas un hasard si l'hebdomadaire The Economist, publication "davossienne" par excellence, a saisi l'occasion du Forum pour consacrer un supplément à la montée des inégalités. Et sur les turbulences politiques que celle-ci provoque : mouvement Tea Party en Amérique, poussée "populiste" en Europe, enfin grande révolte arabe de cet hiver. Même dans le cocon d'une charmante bourgade du canton des Grisons, l'écho de Tunis et du Caire résonnait comme un avertissement.

Article paru dans l'édition du 01.02.11

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