jueves, 13 de octubre de 2011

HOLLANDE VS AUBRY: GANADOR/A?

Primaire PS : l'intégrale du débat entre Martine Aubry et François Hollande

LEMONDE.FR | 13.10.11 | 07h47 • Mis à jour le 13.10.11 | 08h18

Sur le plateau de l'émission "Des paroles, des actes", deuxième débat télévisé entre les deux candidats à la primaire de gauche, Martine Aubry et Francois Hollande, mercredi 12 octobre 2011.

Sur le plateau de l'émission "Des paroles, des actes", deuxième débat télévisé entre les deux candidats à la primaire de gauche, Martine Aubry et Francois Hollande, mercredi 12 octobre 2011.Jean-Claude Coutausse/French-politics.com pour Le Monde

Voici la retranscription du débat ayant eu lieu mercredi soir entre les deux finalistes de la primaire socialiste, Martine Aubry et François Hollande, à l'approche du second tour. Durant une heure quarante-cinq d'émission, ce débat sur France 2 avec Le Monde et France Inter a donné lieu à des échanges parfois techniques. Les deux candidats restant dans le positionnement adopté depuis le début de la campagne. Malgré quelques nuances sur le fond, Mme Aubry et M. Hollande se sont surtout différenciés sur leurs personnalités.

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Bonsoir Martine Aubry.

MA : Bonsoir.

Bonsoir François Hollande.

FH : Bonsoir.

Nous avons décidé d'organiser ce débat en quatre parties : les questionsd'économie avec Fabien Namias, les questions sociales avec Patrick Cohende France Inter, l'Europe et le monde avec Françoise Fressoz du journal leMonde et je vous interrogerai sur les profils, les méthodes, les types deprésidence que vous défendrez si vous êtes candidat. Avant de commenceret de parler d'économie, quelques éléments sur l'actualité et sur desconsidérations humaines. François Hollande, Martine Aubry, on dit depuisquelques années que vous avez des relations personnelles compliquées,des relations difficiles, la presse parle même d'inimitié. Comment vousentendez-vous ?

MA : Je dirais que nous avons toujours eu avec François des relations à la fois amicales et franches. Et on le verra ce soir.

FH : Je connais Martine depuis longtemps, nous nous sommes appréciés à des moments différents et je pense que nous avons toujours, pour ce qui me concerne, veillé à avoir du respect. Je l'aurais ce soir. Parce que l'un ou l'autre d'entre nous, et c'est au-delà des relations personnelles, sera le prochain candidat face à Nicolas Sarkozy. Et je veux que ce candidat gagne en 2012.

Vous me parlez de relations professionnelles, je vous parlais de relationspersonnelles. Vous ne dites pas amitié ?

FH : Si. Je connais Martine depuis longtemps et j'ai de l'amitié pour elle.

Est-ce que vous pourriez travailler ensemble, est-ce que vous pourriez êtrel'un vis-à-vis de l'autre premier ministre ou nommer premier ministre en casde victoire ? Cest un peu à la manière de ce qu'a fait Barack Obama avecHillary Clinton, ils étaient confrontés lors des primaires, ce n'est pas le postede premier ministre, c'est le poste de secrétaire d'État. Pourriez-vous parexemple envisager cette hypothèse ?

MA : Je suis candidate à la présidence de la République, je pense qu'il faut une grande expérience pour ça. Je pense qu'il faut un premier ministre plus jeune que soi pour préparer la suite.

FH : Je suis plus jeune que Martine Aubry mais ça ne me donne pas une espérance, la mienne est différente : je suis candidat pour être président. Mais j'ai appris une histoire toute simple : le choix du premier ministre se fait pendant la campagne présidentielle, ce n'est pas un arrangement. Ce n'est pas une combinaison, ce n'est pas le fruit d'une primaire.

J'évoque simplement une possibilité. Ou est-ce exclu ?

FH : Ça ressortira de l'élection présidentielle elle-même, ça correspond à un moment politique et ça doit être durable.

Vous vous engagez en tout cas à faire campagne l'un pour l'autre ?

MA : C'est évident. Je n'ai pas travaillé 3 ans comme je l'ai fait au Parti socialiste pour réunir tout le monde, pour préparer un projet qui nous a unis à l'unanimité pour la première fois, pour que ça ne soit pas cela dès lundi. Dès lundi nous serons tous unis. Samedi prochain j'ai organisé la convention qui fera que nous serons tous autour de celle ou celui qui a été choisi par les Français. Nous voulons vraiment gagner, nous avons une véritable gravité par rapport à mai 2012, les Français attendent de nous aussi cela. Donc nous serons vraiment rassemblés, unis mais au-delà de nous toute la gauche.

Je garde un ton neutre, je ne pousse pas au différent ou à la dispute.François Hollande, lundi si Martine Aubry l'emporte vous serez à 100%derrière elle ?

FH : C'est une évidence et une exigence. L'évidence c'est que ces primaires ont été organisées pour ce que ce rassemblement pourra être. C'est une exigence parce qu'il ne peut pas y avoir de victoire s'il n'y a pas d'unité.

L'actualité politique de cette après-midi c'est le soutien que vous a accordéSégolène Royal François Hollande. Est-ce que pour vous Martine Aubryc'est un soutien, c'est un geste, c'est un mot d'ordre qui vous paraît dansl'ordre des choses, qui vous paraît naturel ?

MA : Je crois qu'il faut respecter chacun et je respecte la décision de Ségolène. Je suis passée la voir justement comme un signe d'amitié cette semaine. La politique c'est parfois dur, je trouve que les résultats de la semaine dernière ont été durs. Après, c'est Ségolène, elle rebondit immédiatement.

Vous êtes déçue ?

MA : Non parce que je crois que l'esprit des primaires, les Français l'ont montré très simplement la semaine dernière, l'esprit des primaires c'est la liberté donnée au peuple de gauche. Ils se sont moqués des sondages, on n'est pas dans un congrès donc ils ne vont pas répondre à des ordres et d'ailleurs personne ne compte leur en donner. Le peuple veut choisir, il ne veut pas qu'on lui intime ce qu'il doit décider.

Autrement vous dites « les électeurs de Ségolène Royal sont libres » ?

MA : Je pense qu'elle le dit de la même manière que moi. Dernière chose que je voudrais dire, je pense que Ségolène a montré ces dernières années à la fois ses déterminations et ses qualités personnelles. Si je suis élue présidente de la République elle aura un rôle important dans la République.

Est-ce que ça fait de François Hollande un favori ce soir ?

MA : Je vous l'ai dit, il était déjà favori la semaine dernière. Les Français ont choisi, on me donnait 17 points derrière. Ils choisiront de la même manière en toute liberté. C'est comme ça que j'ai voulu les Primaires. Si c'est pour qu'on s'arrange entre nous ce n'est pas la peine de demander aux Français de choisir. C'est très important ce qu'ils vont choisir : c'est la candidate ou le candidat qui vaaffronter Nicolas Sarkozy et qui sera certainement le prochain, la prochaine j'espère, président de la République de notre pays dans un moment de crise, dans un moment de doute pour beaucoup de Français. Donc c'est cela. Ils vont choisiravec leur cœur et avec leur raison. C'est pour ça que je suis heureuse d'être là ce soir parce que ce débat va nous permettre l'un et l'autre d'éclairer encore un peu plus les Français sur leurs choix.

Vous vous sentez encore un peu plus dans la peau d'un favori cette après-midi François Hollande ?

FH : Je veux rassembler sur une ligne cohérente parce que je pense que le prochain candidat s'il veut être le prochain président aura cette mission.Rassembler sur une cohérence. J'ai reçu dès le premier tour des Primaires aprèsêtre sorti en tête avec 9 points d'avance, plus de 39 %, j'ai reçu déjà des soutiens : Manuel Valls, Jean-Michel Baylet sans avoir négocié quoique ce soit. Ensuite Ségolène Royal qui a traversé un moment difficile, et on le serait à moins déçu quand on a été la candidate socialiste en 2007 avec le panache qui a été le sien, a décidé librement de m'apporter son soutien.

aussi sans négociation ?

FH : Non, sans négociation.

Parce qu'elle dit : « il va reprendre mes propositions ».

FH : Sans négociation. J'ai écouté les messages, c'est vrai.

Vous vous êtes engagé à en reprendre certains ?

FH : J'entends un certain nombre de propositions qu'elle a pu faire. Je sais aussi ce qu'elle apporte à la vie politique donc je prends en compte ses responsabilités-là et elle en aura.

Vous lui avez dit : « je prendrai en compte certaines de tes propositions » ?

FH : ça fait partie de ce que le débat de Primaires a permis. Chacun fait des propositions et ensuite c'est à celui qui a vocation ou à celle qui pense pouvoir êtredemain la candidate ou le candidat de faire en sorte de rassembler. Moi je rassemble et je fais en sorte de ne pas me laisser détourner c'est-à-dire de restersur ma cohérence, ma pensée en prenant en compte ce qu'ont dit les électeurs de ce premier tour des primaires. Ce tour a été quand même extraordinaire, il faut lesouligner l'un et l'autre. On attendait 1 million d'électeurs, il y en a 2,7 qui sont venus et qui l'ont fait avec un enthousiasme et une responsabilité. Je veux aussisaluer les militants socialistes parce qu'ils ont organisé. Ils vont encore le fairedimanche prochain. Donc on doit être à la hauteur de ce que cette démarche exige.

Un dernier point avant de passer à l'économie. Est-ce qu'il y a ce soir face-à-face deux gauches ? Martine Aubry vous avez dit : « il y a une gauche dure,une gauche forte et il y a une gauche molle », est-ce que vous parliez duprojet politique de François Hollande ou de François Hollande lui-même ?

MA : J'ai dit et je le redis que face à une droite dure, face à une crise qui dure il faut une Gauche qui ne soit pas molle, une gauche forte. Pour moi ça veut diretrès simplement les choses.

L'allusion est transparente.

MA : J'ai été numéro 2 du gouvernement, je sais ce que c'est qu'affronter les corporatismes, qu'affronter les privilégiés, je sais ce que c'est.

Qui est cette gauche molle ?

MA : Je veux vous dire ce qu'est la gauche forte. C'est-à-dire mettre effectivement les banques au pas, c'est-à-dire avoir le courage de mener la transition écologique et la sortie du nucléaire, ça veut dire remettre la justice partout et notamment dans les retraites, dans les salaires, dans l'emploi des jeunes. Cela veut dire aussi une République nouvelle avec bien évidemment une plus grande démocratie et autre. C'est cela une gauche forte. Je l'ai dit fermement.

Et vous ne visiez personne ?

MA : J'ai dit ce que j'étais. Quand j'ai dit que je défendais une gauche forte personne ne m'a pas posé la question de savoir si j'étais forte ou pas. Je n'ai pas besoin de m'expliquer ou d'argumenter pour dire que je ne suis pas une gauche molle.

Vous vous êtes senti visé François Hollande et blessé même ?

FH : Non, d’ailleurs je constate que Martine Aubry n’évoquait personne, donc j’en suis très heureux. Il aurait pu y avoir méprise ou malentendu, ce n’est pas le cas. Moi, je ne sais pas ce que c’est la gauche dure. Je n’ai pas envie, d’ailleurs, d’une gauche dure, très franchement. On sort de cinq ans d’une présidence brutale et on serait nous une candidature sectaire ? Je ne le veux pas. Je pense que le pays a besoin d’être apaisé, réconcilié. Je ne suis pas non plus une gauche molle. On n’a pas besoin, là, d’une gauche timide. Il faut une gauche qui soit solide parce qu’il y a effectivement un choc. C’est la crise. Il faut être capable de la relever, cette crise, c’est-à-dire de la combattre, de la surmonter. Il faut affronter effectivement une transition écologique, un défi énergétique. Il faudra le faire, avec courage. Il faudra aussi remettre de l’ordre dans nos comptes publics, ce n’est pas facile, faire une réforme fiscale, donc il faut être solide. Puis, il va falloir avoir une grande cause. J’ai évoqué l’école et l’éducation et en même temps il faut une gauche sincère, parce que si elle n’est pas sincère, si elle n’est pas crédible, si elle ne fait que des promesses qui ne peuvent pas être tenues, moi je n’ai pas envie d’avoir le bilan de Nicolas Sarkozy au bout de cinq ans.

Et quand vous dites sectaire, il faut penser à Martine Aubry ?

FH : Non, moi je ne vise personne. Non, je n’ai pas pris ces concepts-là. Je ne suis ni dans la gauche molle, ni dans la gauche dure. Je suis dans la gauche solide et sincère.

Bien, alors, la crise, vous lévoquez Martine Aubry ?

MA : Alors, attendez, moi je veux dire un mot quand même. Oui, la gauche dure, encore qu’être dur avec les banques aujourd’hui, dur avec certains privilégiés, ça ne sera pas mal, mais je pense que dans l’état de notre pays, il faut le rassembler, il faut rouvrir le champ de la négociation, il faut s’ouvrir vers les Français, c’est ce que j’ai voulu, avec ces primaires, donc c’est un peu un symbole de la façon dont je souhaite diriger le pays, le présider. Simplement, quand je parle de gauche forte, la force c’est quand même une bonne chose, c’est comme la solidité. Ça veut direaussi, qu’il faut dire les choses clairement et moi je crois qu’aujourd’hui, ce n’est pas le débat qui est gênant entre nous, c’est le flou et je crois que c’est ça qui peutgêner les électeurs. Si on veut que les Français reprennent confiance en nous, reprennent confiance en la politique, reprennent confiance en la gauche, il faut qu’on dise clairement les choses. Tu parles, à juste titre, du fait qu’il faut bien gérerla France et ça, ce n’est pas moi qui dirait le contraire, mais par exemple, sur la règle d’or que nous avait proposé Nicolas Sarkozy, cet été, toi, tu as dit : « Oui, je vais la reprendre, peut-être même dès la loi de finances et en tout cas, si je suis élu ». Moi , j’ai dit : « Moi, je ne veux pas d’une règle où on me dit que demain on sera sérieux, je propose tout de suite au Président de faire un certain nombre de choses qui permettent à la fois de réduire les déficits publics, mais aussi derelancer la croissance et l’emploi parce que ce sont les problèmes des Français ». Quand je parle de gauche forte, je parle de ça. Je pourrais parler de réforme de société. Le non cumul des mandats, moi j’ai dit clairement, tu le sais François, tu n’étais pas d’accord. Ce n’est pas facile, j’ai perdu des soutiens. Et pour moi, c’est ça la gauche forte, quand c’est juste. Le non cumul des mandats, c’est la rénovation, c’est faire rentrer des femmes, c’est faire rentrer la diversité des cultures, c’est rajeunir notre parti. Ce n’était pas facile de le faire et bien je l’ai décidé. C’est ça que j’appelle la gauche forte, c’est-à-dire avoir le tempérament dedéfendre ce que l’on croit juste avec détermination même, si ça ne plaît pas toujours.

Alors, François Hollande et puis on passe à léconomie. Vous vouliezrépondre ?

FH : Martine veut que nous soyons clairs, c’est l’objet de ce débat, c’est d’être précis. Elle a pris deux sujets. La règle d’or, ce n’est pas moi qui ai inventé ce concept, d’ailleurs il n’existe que dans un seul pays, l’Allemagne et il a été adopté par un autre pays, l’Espagne. Nicolas Sarkozy dans un troc avec madame Merkel a voulu nous imposer cette règle d’or. D’ailleurs, il y a renoncé. Moi, j’ai dit : « Règle d’or, pour inscrire dans la constitution un principe qui d’ailleurs y figure déjà, c’est une nouvelle fois de l’affichage ». En revanche et là, je vais être précis, le prochain Président de la République, au lendemain de sa victoire, il aura, avec le gouvernement, à donner une stratégie de finance publique, un retour vers l’équilibre parce que ça ce sont des engagements que nous avons passés avec les Européens et puis c’est une nécessité. On parlera tout à l’heure de la dette. C’est une nécessité de la maîtriser, donc je ferai, avec le parlement, puisque c’est le parlement qui en décidera, cette stratégie, qui d’ailleurs est nécessaire de réduction de nos déficits. Ça n’aura pas besoin d’une modification de la constitution. La loi y suffira. Sur le cumul des mandats, moi j’ai un principe aussi qui est incontestable parce que je l’ai toujours pratiqué. Moi, je respecte les décisions de mon parti. Qu’a décidé mon parti, le parti socialiste ? De faire que quoi qu’il se passe en 2012, nous, nous appliquerons le non cumul des mandats à la fin de l’année 2012. Très bien, j’y suis favorable, je l’ai voté, ça sera appliqué. Et si je deviens président de la République alors là, j’ai pris un engagement qui vaut pour l’ensemble des parlementaires, là, il y aura le vote d’une loi qui s’appliquera donc à tous les députés et à tous les sénateurs et ce sera le non cumul du mandat parlementaire avec un mandat d’exécutif local. Puis-je être plus clair ?

MA : Oui, je pense, mais surtout sur la règle d’or, voilà, tu as quand même, au départ, dit parce que c’était un moment où il fallait donner impression qu’on était plus sérieux que les sérieux, qu’il fallait prendre cette règle d’or.

FH : Non, jamais. Tu ne trouveras jamais aucun écrit sur la règle d’or de ma part.

MA : Je les ai.

FH : Oui, Vas-y, donne les moi.

MA : On ne va pas se les envoyer en permanence, mais tu as dit d’abord : « Je vais l’inscrire dans la loi de finance ».

FH : Ce n’est pas pareil. La loi de finance ce n’est pas du tout la règle d’or, c’était le fait de réduire des déficits.

MA : Oui, tu as dit : « Je vais inscrire la règle d’or dans la loi de finance ».

FH : Non, ce n’est pas la règle d’or, c’est la réduction des déficits.

MA : D’accord. Moi, j’ai donné en tout cas une règle claire, j’ai dit : « Comme je veux à la fois réduire les déficits publics et relancer la croissance et l’emploi » parce que l’exemple grec nous montre abondamment ce qu’il ne faut pas faire et bien j’ai donné une règle, j’ai dit : « Voilà, comment je vais financer tout cela, 50 % iront vers la réduction des déficits, 50 % au financement des priorités, emploi,pouvoir d’achat, éducation, sécurité ». Voilà, ça m’apparaît clair.

Si vous ne voulez rien rajouter sur le cumul des mandats, on aura peut-êtreloccasion dailleurs den reparler.

MA : Non, mais sur le cumul des mandats, chacun sait ce qu’il y a à en penser. En tout cas, moi je suis heureuse de l’avoir défendu y compris parfois contre mes intérêts parce que je crois que les Français sauront que la vraie rénovation du parti socialiste, c’est de faire rentrer des jeunes, des femmes, des hommes et des femmes de toutes les cultures et ils sauront qui l’a fait.

Allez, on va plus loin dans léconomie.

FH : Ce sera fait après 2012.

MA : Oui, ce sera fait dès maintenant parce que là on va choisir les députés pour 2012.

FH : Non ce sera fait après 2012.

Ce nest pas aussi clair que ça alors.

MA : Non, pour moi c’est très clair, voté par les militants.

FH : Ce sera applicable en 2012 pour le parti socialiste.

MA : Voilà, y compris pour les députés que nous choisirons dans quelques jours.

Quelle politique face à la crise?

Vous avez tous les deux pensé votre projet, formulé des propositions, à unmoment, au printemps et puis lété, on pensait que les perspectives decroissance pour les années à venir, les deux années qui viendraient,seraient supérieures à ce quelles sont, autour de 2 %, 2,5 %. Aujourdhui leconsensus des économistes le chiffre plutôt à 1 %, un petit pour centmaximum lannée prochaine. Est-ce que dans ce contexte, ce calendrier deréduction des déficits, retour à 3 % dès 2013, vous semble encore réaliste ?

MA : D’abord, je voudrais vous dire que, comme nous sommes des gens raisonnables au parti socialiste, nous avons voté un projet à l’unanimité, nous n’avions pas pris les prévisions de croissance du gouvernement. Nous avions pris 1,7 % pour cette année. Lui, il est encore à 1,75 % dans ses prévisions, 2 % pour l’année prochaine et seulement 2,5 % pour la suite. Je le dis parce que c’est déjà un peu moins que ce qui est dit. Deuxièmement, il y a eu cette crise, ce renouveau de la crise, parce que c’est la même crise, puisque rien n’avait été géré depuis 2008, cet été, qui va nous rendre effectivement plus difficile la tâche. Moi, j’aurai dit aujourd’hui, que les 3 % en 2013, nous pouvons les faire. Nous pouvons lesfaire parce qu’il faut passer de 90 milliards de déficit actuel à 60 milliards. Il fauttrouver 30 milliards. Ces 30 milliards, pour moi, c’est 20 milliards de niches fiscales en moins, des niches fiscales, des cadeaux fiscaux inefficaces économiquement et injustes socialement.

Jusquà présent vous étiez plutôt sur 10 milliards. 10 milliards par an quifaisaient 50 milliards au total déconomies.

MA : Non, j’ai dit en moyenne ça fait 10 milliards par an, mais s’il faut commencer, on le fera.

Donc on commence plus fort.

MA : Oui, pourquoi 3 % ? Parce qu’en dessous de 3 %, la dette diminue en France et c’est ça qu’il faut obtenir.

Donc 20 milliards dès la première année ?

MA : 20 milliards dès la première année et 10 milliards qui viendra de la croissance puisque c’est environ, enfin si on fait un point de croissance, donc ça on va le voir.

Ce qui est le maximum espéré aujourdhui par les économistes ?

MA : D’accord, mais enfin, on va, nous, relancer la croissance. On va quand même relancer avec les emplois d’avenir, relancer avec un peu de pouvoir d’achat là où c’est possible, relancer par l’investissement des PME, très important, et qui peuvent relancer l’activité, donc il faut aussi jouer sur l’action que nous allonsmener.

François Hollande, vous, vous avez un calendrier qui est encore plus ambitieux parce que vous, vous prônez le retour à l’équilibre zéro déficit dès 2017, dans le contexte qu’on vient d’évoquer, est-ce que cela reste d’actualité ? Est-ce que cela reste au cœur de votre projet ?

FH : Le plus difficile c’est la marche vers 2013 puisqu’il va falloir passer d’un déficit à peu près de 4,6 % à 3 % en une seule année. Rendez-vous compte. Mais je vaisdire pourquoi je suis contre la dette, parce que aujourd'hui le premier budget de l'État, c'est le paiement des intérêts de l'emprunt, pas des remboursements. C'est plus important que le budget de l'enseignement scolaire.

Tout le monde est contre la dette.

FH : Oui mais il faut le faire. Moi je préfère payer des professeurs que payer des dettes, des intérêts des dettes. Donc il faut réduire les déficits, mais il faut le fairedans une programmation. Le plus difficile, c'est ce que vous avez évoqué, c'est qu'il y aura peu de croissance, ce n'est pas notre faute, et on va hériter de cette situation. Nicolas Sarkozy va nous donner son paquet de dettes et sa faible croissance. En plus, l'année 2012, on n'aura pas fait voter le budget puisque ça sera la majorité présente qui l'aura réalisé. Donc il va falloir prendre une première décision de correction en 2012. Et moi je propose que la réforme fiscale soit débattue dès notre arrivée à la responsabilité du pays. Deuxièmement, il va falloirsoutenir la croissance. De ce point de vue-là, Martine a raison. Mais les effets de cette politique n'arriveront qu'en 2013 ou 2014. Alors nous verrons où nous en serons en 2013. Il faudrait que nous arrivions à avoir réduit nos déficits à 3%. De ce point de vue, nous avons fixé l'objectif ensemble. Et puis après, pour passer de 3% à un peu plus de 0% sur 4 ans, c'est pas le plus difficile puisque ça sera moins de 1% par an. En revanche, y arriver dès 2012 – 2013, ça, ça sera la marche et il n'y aura pas d'autres solutions et je préfère le dire, quoi qu'il m'en coûte, que d'avoir cette réforme fiscale. Si on ne met pas en cause les niches fiscales, les avantages fiscaux, les privilèges fiscaux, il n'y aura pas de redressement de nos finances publiques.

Martine Aubry, sur 2007, vous êtes beaucoup plus réservée ?

MA : Je suis réservée parce que je pense que ce n'est pas possible de l'annoncer. Je ne dis pas qu'on ne pourra pas le faire. Je dis que dans le climat actuel, on ne sait pas ce que sera la situation internationale et la croissance française, même si nous ferons tout pour la relancer. Afficher 0% en 2007, pour moi, c'est un objectif, bien évidemment, mais dire « j'y arriverai », cela veut dire qu'on ne pourra rienfaire d'autre. Ne rien faire d'autre, ça veut dire ne pas financer véritablement les objectifs qui sont les nôtres. Je pense à la relance de la croissance. Je parlais tout à l'heure de l'investissement des PME, on pourrait parler de l'éducation. Je crois qu'il faudra, à partir de 2013, parce que là on voit à peu près le schéma, il va falloirjouer finement de l'économie. Il va falloir relancer sans que ça coûte trop, c'est pour ça que j'ai pris les exemples des emplois et de l'investissement et il va falloireffectivement regarder, peut-être qu'on sera beaucoup mieux si tout se relance, si nous arrivons à réguler la finance, à changer le modèle, et peut-être même qu'en 2017 nous serons en excédent mais moi, je ne prends pas un engagement que je ne peux pas respecter. Parce que si je le prenais aujourd'hui, ça voudrait dire que je mets tout sur les déficits et si je mets tout sur les déficits, il n'y a pas de croissance, pas de rentrées fiscales. C'est ce qui se passe en Grèce aujourd'hui.

FH : J'insiste beaucoup sur le désendettement parce que c'est la façon de nousrendre souverain, indépendant par rapport aux banques et aux marchés financiers. Si on ne veut pas être dans la main de cette voracité que l'on voit aujourd'hui sur les marchés financiers et des agences de notation, il faut que l'on soit libéré le plus possible de cette contrainte. Mais ça ne va pas m'empêcher de prendre des mesures de soutien de l'activité. Par exemple sur la réforme fiscale, et nous sommes d'accord là-dessus, si nous baissons l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui vont réinvestir leurs bénéfices, ça nous coûte rien parce qu'on relèvera l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui vont distribuer des bénéfices. Si je prends une taxe sur les banques et que je l'affecte à la création de l'emploi, ça ne coûte rien. Si je redéploie un certain nombre de dépenses publiques totalement inefficaces sur le logement par exemple où l'on aide la promotion immobilière dans des conditions scandaleuses sur un certain nombre de zones et que je les réaffecte tout de suite sur le logement social pour qu'il y en ait davantage, je crée de l'activité supplémentaire. Donc, avec des moyens qui ne sont pas forcément très importants, puisque nous n'avons pas de marge de manœuvre, en 2013 et en 2012, je peux créer une relance de l'activité.

MA : Juste un mot pour dire qu'on réduit le déficit public de deux manières. Ou bien on le fait comme la droite à voulu l'imposer partout en Europe, c'est ce qu'est en train de faire madame Merkel et monsieur Sarkozy. On baisse les dépenses publiques et on cogne sur les couches populaires et moyennes, par exemple en augmentant la CSG ou le prix sur les mutuelles et dans ce cas-là, effectivement, on réduit le déficit public formellement la première année mais on casse la croissance. Alors c'est ce que la Grèce vit dans des conditions dramatiques, la Grèce a perdu 12% de croissance et il n'y a plus de rentrée fiscale. Donc je suis pour un équilibre, il y a des dépenses fiscales à réduire mais il y a aussi à avoir de la croissance si on veut qu'il y ait des rentrées fiscales. Et si on ne fait pas les deux, je crois que la France souffre des deux déficits. Le déficit public est dramatique, il nous empêche d'agir. Quand on est de gauche et qu'on veutchanger les choses, il faut qu'on ait des libertés pour agir. Mais le déficit de croissance et d'emploi et tout aussi dramatique, y compris d'ailleurs pour réduire le déficit public car quand les rentrées fiscales diminuent, ça ne va pas. Alors moi, j'aurais deux yeux, vous voyez, un pour regarder les déficits publics et un pourregarder comment nous sortons du déficit de croissance.

Pour relancer la croissance vous défendez tous les deux deux mesures qui coûtent cher, le contrat de génération...

FH : Non, le contrat de génération ne coûte rien.

8 milliards d'euros ?

FH : Oui mais il est pris sur les exonérations de cotisations sociales existantes. C'est une mesure qui... je vais l'expliquer puisque vous m'interrogez là-dessus. Le contrat de génération, c'est la possibilité pour l'employeur qui garde un senior, parce que nous avons un problème grave dans notre pays, les seniors sont mis de côté de l'entreprise à partir de 55 ans, et qui embauche un jeune avec un contrat à durée indéterminée, alors que nous avons un problème de précarité chez les jeunes et de chômage important, et bien cet employeur doit être récompensé. C'est-à-dire qu'il ne paiera plus de cotisations sociales sur les deux emplois. Alors ça coûte effectivement 8 milliards d'euros mais aujourd'hui il y a 25 milliards d'euros sans aucune contrepartie, d'allègements de charges. C'était lié au passage aux 35 heures et c'était lié au soutien des mesures Juppé Fillon à l'emploi non qualifié. Enfin, on donne aux entreprises cette masse-là et il n'y a aucune contrepartie. Et bien moi, j'impose une contrepartie. Et en plus, je suis tout à fait d'accord pour les emplois d'avenir parce qu'il faut les mettre là où nous en avons le plus besoin, les emplois jeunes. Tout le monde défend les emplois d'avenir mais encore faut-il que l'on puisse les renouveler, c'est-à-dire les mettre dans les quartiers où il y a le plus de chômage, où les jeunes sont à 40% de chômage, où on a besoin d'un soutien scolaire, où on a besoin d'un accompagnement, c'est là qu'on mettra ces emplois d'avenir mais ce n'est pas ça qui, je vais vous corrigersur un point, relancera la croissance. C'est ce qui permet d'améliorer le niveau de l'emploi. Et c'est vrai qu'en améliorant le niveau de l'emploi, on améliore le pouvoird'achat, ça a un effet sur la croissance mais la croissance structurelle, parce que c'est ça qui compte, c'est l'investissement, c'est l'éducation... C'est ça qui permet d'avoir, pas tout de suite, mais le plus haut niveau de compétitivité, le plus haut niveau d'emploi et donc le plus haut niveau de croissance.

Là il y a une divergence sur ces contrats de génération. Pourquoi ?

MA : Les deux sujets, emploi des jeunes, emploi des seniors, j'ai fait des propositions des deux côtés, sont des sujets majeurs, donc il faut y répondre. Tout système fondé sur des exonérations de cotisations sociales pour les jeunes n'a jamais marché. Alors qu'on dise à côté, faudra que vous ayez une qualification, que vous soyez chômeur longue durée ou faudra que vous ayez un senior dont on donnera... on en trouvera toujours un à côté. À chaque fois, ça a coûté très cher, toutes les études sont là, ce sont des effets d'aubaines. C'est-à-dire qu'il faut enfinancer dix pour qu'il y en ait un qui soit vraiment créé. C'est-à-dire que toutes les entreprises qui embaucheront des jeunes auront cette aide, ça, c'est la première chose. Tous les syndicats, parce que tu me parlais tout à l'heure de droite dure, moi j'aurais envie de négocier, tous les principaux syndicats, non seulement l'ont critiqué en disant « non, toutes ces exonérations de charge pour embaucher des jeunes, on l'a déjà fait, ça ne marche pas » mais ils ont dit « ça coûte extrêmement cher, c'est comme une nouvelle niche fiscale ». Nous on veut supprimer les niches fiscales qui sont injustes, inefficaces, on ne va pas en créer d'autres. La troisième chose, le prix, 8 milliards ! Quand François dit « on va les prendre sur les exonérations de charges » moi, je préfère lier les exonérations de charges à l'égalité des salaires homme femme parce que ça, ça va être... mais surtout là,enlever les exonérations de charge, en période de chômage, ça veut dire que par exemple, il faut baisser, retirer les exonérations de charge pour les entreprises entre 1,3 et 1,6 du SMIC, ça augmente de 10% le coût du travail à 1,3 du SMIC mais 1,3 du SMIC, c'est rien, c'est 1300 euros net. Ça va augmenter le coût à 10%. En période de chômage, c'est des dizaines de milliers de chômeurs en plus.

Réponse de FH.

FH : Première réponse. D'abord, il n'y aura aucun effet d'aubaine puisque les entreprises ont déjà ces exonérations de cotisations sociales. Elles les garderont, donc il n'y aura aucune perte de ce point de vue, de compétitivité. Elles auront de toute manière ces exonérations de cotisation, sauf qu'il y aura un senior qui sera resté un peu plus longtemps pour partir à la retraite et un jeune qui sera rentré plus tôt avec un contrat à durée indéterminée. Mais quelle est l'idée ? Parce que je trouve que c'est une belle idée et on devrait là-dessus converger. C'est une belle idée qu'un senior puisse être un tuteur d'un jeune. C'est une belle idée qu'on puisse avoir une fluidité, qu'on rentre plutôt sur le marché du travail avec un vrai contrat pour fonder une famille, pour avoir un logement. C'est une belle idée qu'un senior puisse être utile et puisse partir en retraite avec ses droits de plein exercice. Bien sûr qu'on négociera avec les partenaires sociaux parce que je pense qu'il n'y a pas de négociation si nous ne sommes pas conscients que la démocratie sociale est un atout pour notre pays. Donc il y aura de la négociation, y compris sur ces contrats de génération.

MA : Mais là-dessus, François, tu n'auras pas d'accord. Tous les syndicats qui connaissent bien la question sont contre et j'ajoute que pour faire un tutorat, moi je suis totalement favorable aux tuteurs mais on n'a pas besoin de payer les entreprises pour qu'ils fassent ça. Toi-même, tu étais chez PSA récemment et tu as dis chez PSA « vous faites exactement ce que je veux faire » mais tu ne les as pas payés pour ça. Ils font du tutorat. Il faut pousser au tutorat. C'est une très belle idée. C'est aussi un moyen et je pense que c'est comme ça qu'on l'aidera. Pour l'emploi des seniors, je suis allée voir aussi bien aux Pays Bas et en Finlande où ils ont réussi à garder plus longtemps leurs seniors. Ils font une chose très importante. Ils lient deux choses, un bilan de compétences à 45 ans, pour pouvoirpréparer les seniors aux emplois de demain et deuxièmement, un peu de coercition, ils mettent une taxation pour ceux qui se séparent, ça existait avant en France, des seniors.

La fiscalité est un levier pour retrouver de la marge de manœuvre. On a vu que la majorité aujourd'hui s'apprête à instaurer une taxe exceptionnelle sur les plus hauts revenus. Si l'un de vous deux est élu président de la république, est-ce que l'une de vos premières mesures sera un nouvel impôt, une nouvelle taxe sur les revenus les plus élevés, aller plus loin que ce qui est proposé aujourd'hui ?

FH : Si Martine veut dire qu'elle est d'accord, je lui laisse la parole.

MA : Nous avons voté tous ensemble, à l'unanimité, un projet que nous avons préparé tous ensemble avec nos experts, qui est un projet de réforme fiscale. On n'y reviendra pas, on en a beaucoup parlé mais qui dit, dans le fond, des choses simples « chacun paye selon ses moyens ». Donc on remet de la progressivité, on relie l'impôt sur le revenu et la CSG. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les revenus du capital paieront les revenus du travail, que les petites entreprises ne paieront pas plus que les grandes entreprises mais en attendant que l'on fasse cela, et il faut le faire très vite, je suis totalement d'accord. Je m'y préparerai au lendemain de la primaire pour qu'à l'automne on puisse faire les premières mesures. En attendant que cela soit mis en place, c'est un peu compliqué, moi je propose de créer une tranche supplémentaire, à 50% au-dessus de 100 000 euros par part fiscale, alors que la droite aujourd'hui est en train d'arranger une petit semaine...

On est à 45 au-dessus de 500 000 et 44 au-dessus de 250 000.

MA : Voilà, en attendant que cette réforme globale soit mise en place.

Vous l'avez quantifié ? Vous savez combien ça rapporterait ?

MA : Oui, ça rapporte deux milliards d'euros. Deuxièmement, mais ça, nous en avons parlé, c'est la réforme de l'impôt sur les sociétés qu'il faut faire vite en baissant l'impôt pour les sociétés qui réinvestissent et notamment les PME qui n'ont pas de liquidités actuellement, les banques ne sont pas là et l'augmenter à 40% pour celles qui préfèrent distribuer leurs profits en dividendes.

D'accord pour une nouvelle tranche François Hollande ?

FH : Non, je pense qu'il faut faire la réforme tout de suite. La fiscalité française, c'est une suite de bricolage. La meilleure illustration, c'est ce que vient de déciderle gouvernement. On fait une contribution exceptionnelle pour les riches, qui d'ailleurs seront exonérés au bout de deux ans, puisqu'à partir de 2013, c'est fini. Et puis cette mesure en fait n'est rien d'autre que la compensation d'un allègement d'ISF qui avait été fait, lequel était la compensation de la suppression du bouclier fiscal. C'est à n'y rien comprendre. Il faut en finir avec cette manière de faire. Donc ma première mesure dans l'été qui suivra mon élection, c'est de faire la réforme fiscale qui aura comme première application l'année 2013. S'il faut faire une contribution exceptionnelle, ça ne peut pas se faire sur l'année 2013, ça se fera sur l'année 2012. Cela ne peut être qu'un rattrapage de ce qui aura été finalement accordé aux plus hauts revenus et aux plus grandes fortunes. Mais je pense que si nous ne faisons pas tout de suite cette réforme fiscale, alors nous savons comment ça se passe, nous la différerons et ça sera trop tard. Donc il faudra qu'elle soit d'application sur l'ensemble du quinquennat mais que les grands principes et les règles soient fixées sur...

Sur le calendrier vous divergez un peu et sur le contenu...

MA : Non, sur le calendrier, nous ne divergeons pas. Il faut non seulement la fairetout de suite mais je suis bien placée pour savoir, en ayant été plusieurs fois au gouvernement, que si on ne prépare pas une réforme fiscale avant, on trouve toutes les raisons, le diable est dans les détails, venant notamment du ministère des Finances et puis de tous ceux qui interviennent, pour ne pas la faire. Donc il faut la préparer avant pour effectivement la faire voter au plus vite. Je suis là-dessus totalement d'accord mais comme je pense qu'il faut, après la baisse de l'ISF que le gouvernement vient de faire...

Est-ce que vous voulez revenir dessus ?

MA : Bien sûr.

Vous rétablissez l'ISF à partir de 770 000 euros de patrimoine à peu près ?

MA : On a supprimé 330 000 des 550 000 personnes qui payent l'ISF et on a surtout réduit le montant de l'ISF pour ceux qui ont le plus d'argent.

Vous aussi François Hollande ?

FH : La réforme fiscale, c'est la réforme qui doit être globale. L'impôt sur le revenu qui doit être fusionné avec la CSG. Ça c'est l'impôt sur l'ensemble des revenus, travail comme capital, avec le même barème, on aura réglé un premier problème. Deuxième sujet, la réforme de la fiscalité des entreprises. Il faut avoir une fiscalité plus faible pour les petites entreprises puisqu'elles ne peuvent pas bénéficier d'un certain nombre de déductions. Et il faut que nous favorisions l'investissement plutôt que la distribution d'actions. Troisième réforme, la contribution écologique, parce que c'est très important que nous puissions avoir une contribution sur la pollution, qui se substituera à des cotisations sur le travail. Ça, c'est un principe et je vais l'appliquer. Et puis je n'oublie pas l'impôt sur les grandes fortunes. Et puis il y a une quatrième réforme qu'il faudra faire, c'est la réforme de la fiscalité locale. On ne peut pas laisser nos collectivités dans cette situation où elles ne peuvent plus lever l'impôt, où les impôts sont archaïques, très injustes, où les Français payent plus de taxe d'habitation qu'ils ne payent d'impôt sur le revenu, quand ils en payent un. Donc cette réforme viendra aussi dans l'été. Ça sera une réforme d'ampleur qui changera les règles. La seule question qu'il faut se poser par rapport à 2012, ce n'est pas de savoir s'il y aura des augmentations de prélèvements, hélas, il y en aura, c'est de savoir sur qui et avec quelles impositions.

Sur l'ISF ?

FH : Sur l'ISF il faudra aussi faire une réforme qui sera liée : impôts sur les successions, impôts sur la détention. Dans tous les grands pays, une façon detoucher le patrimoine c'est l'impôt sur les successions avec l'impôt sur la fortune. Je rappelle que les Espagnols dont on avait dit qu'ils avaient supprimé l'impôt sur la fortune viennent de le rétablir.

Mais ce sera un alourdissement ?

FH : Ça ne sera pas un allègement, je vous le confirme.

MA : Quand on retire les niches fiscales par définition, on augmente les impôts. Mais on n’augmente pas les impôts des classes populaires et moyennes comme l'a fait la droite mais de ceux qui sont effectivement les plus riches.

On parle des banques.

On parle des banques par le biais d'une lettre que vous avez recevoirtous les deux. Elle a été écrite par Arnaud Montebourg dans laquelle il posequelques demandes pour se positionner, pour savoir lequel de vous deux ilsoutiendra. Dans cette lettre il évoque une mise sous tutelle des banquessans frais pour le contribuable. Est-ce que c'est une solution acceptablepour vous ?

MA : Réellement, on ne peut pas dire qu'on nationalise sans les titres de propriétés. Ce n'est pas possible.

Donc pas de prise de pouvoir autoritaire dans les banques.

MA : En revanche nous l'avions dit en 2008 tous ensemble. Lorsque l'État a apporté 20 milliards aux banques nous avions dit qu’au lieu de rentrer dans le capital comme il l'a fait sans avoir de droit de vote, nous voulions qu'il achète des actions et qu'il soit au conseil d'administration. Ce qui est en train de se passeraujourd'hui où les banques reviennent nous voir... Pourquoi ? Parce qu'il n'y a eu aucune réglementation de faite. Parce que notamment les banques françaises ont tardé, contrairement aux anglo-saxonnes, à utiliser leurs profits de 2010 pour se recapitaliser, pour créer des fonds propres et donc pour se renforcer. « Il faut absolument aujourd'hui » nous dit-on « venir nous aider ». Je dis oui mais à 4 conditions. La première : c'est qu'effectivement on achète des actions, on rentre au capital, on rentre au conseil d'administration. Il faudra d'ailleurs peut-être une loi.

Il faudra de l'argent parce que ça coûte cher d'acheter les actions et derentrer au capital.

MA : J'allais y venir. Ce qui est en train d'être discuté c'est que c'est le fond européen de stabilité financière qui prêtera aux États pour prêter aux banques. Deuxièmement il faut une réforme parallèle et ça passera par la loi, ce sera nécessaire, qui distingue les banques de dépôts et les banques de marchés. Il fautarrêter que les banques spéculent avec l'épargne des Français. Je le demande depuis 2,5 ans, si on l'avait fait depuis 2008 - c'est fait aux États-Unis, le rapport Wicker en Angleterre fait que les Anglais sont en train de le faire - nous n'en serions pas là. Troisièmement il faudra mettre des règles. J'étais avec Poul Nyrup Rasmussen hier au téléphone, le président du Parti socialiste européen, il prépare justement les réformes du fond de stabilité. Il m'a dit : « Martine, il ne faudra riencéder. Tout l'argent qui va aux banques, chaque € qui sera prêté doit aller vers l'économie réelle et vers les particuliers ».

Comment on s'assure de ça ?

MA : Nous sommes au conseil d'administration. Dès lors qu'il y aura une étanchéité entre la banque de dépôts et la banque qui spécule sur les produits financiers, sur les pays, etc., nous vérifierons que cet argent va bien effectivement vers l'économie réelle. Quatrièmement : faire empêcher ce qui a été fait de manière incroyable en 2010 où les 5 premières banques françaises ont eu 25 milliards de profits et se sont distribuées des dividendes, des bonus. Par exemple à la BNP : 1 milliard de plus dès 2009 et aujourd'hui on vient nous demander de l'argent.

Donc il faut aussi contrôler les revenus des dirigeants.

MA : Le contrôle des revenus des dirigeants et le contrôle des frais financiers qui sont donnés aux Français parce qu'ils n'en peuvent plus. Ils n'y comprennent plus rien mais ils savent que ça coûte de plus en plus cher.

François Hollande là-dessus ?

FH : La question des banques va être une question d'immédiate actualité puisque vraisemblablement il va y avoir dans les prochains jours la constatation d'un défaut partiel de la Grèce. Dès lors les banques vont demander à être recapitalisées. La logique voudrait que ce soit des actionnaires privés qui recapitalisent les banques : elles auront joué, elles auront perdu. Que les dirigeants des banques retrouvent des capitaux.

Est-ce qu'ils en ont les moyens ?

FH : Ils n'en ont pas les moyens. Donc ces banques françaises pour une part, il y a d'autres banques, vont se retourner vers l'Europe et vers l'État. L'Europe, il existe un fond de stabilité financière qui est prêt à jouer ce jeu, et vers l'État. Il y aura une première règle à poser. Je ne sais pas si je serais devenu président d'ici là mais ça va se faire sans doute assez vite. Si j'étais président, il faudrait poser la première règle : que ce soit une avance du fond de stabilité financière européen ou l'intervention de l'État, il faut une présence au capital avec droit de veto sur les décisions.

À quelle hauteur ? Pour exercer un veto il faut une implication importante.

FH : Qu'importe la hauteur de la participation.

Quel que soit le soutien ?

FH : Dès lors qu'il y a soutien, il y a droit de veto avec plusieurs conséquences. Un, contrôle des décisions qui sont prises. Deux, les rémunérations. Trois, les traders. Quatre, un certain nombre de placements. C'est la première décision qui va se prendre je l'espère assez vite. En tout cas je ferais pression pour qu'elle soit prise. Deuxièmement : s'il y a des banques qui font des pertes et d'autres qui font des profits, parce qu'il y a des banques qui continuent à faire des profits : il faut que les banques qui ont fait des profits financent les banques qui ont fait des pertes. Un fond de garantie entre les banques : deuxième décision. Troisièmement décision : il faut faire cette réforme bancaire.

Ça aussi l'État peut l'imposer ?

FH : C'est la loi qui peut le faire. Troisièmement décision c'est la réforme bancaire. Il ne peut plus être toléré que des banques de dépôts qui sont chargées definancer l'économie puissent être aussi des banques spéculatives. Quand elles font de mauvaises affaires, c'est sur le dos de l'économie réelle que ça se passe. Ça sera terminé. Cette réforme devra avoir lieu. Il s'agit de quoi dans cette affaire ? De l'épargne des Français et du financement des entreprises. Sur ces deux sujets majeurs l'État doit prendre toutes ses responsabilités. Je vais ajouter une dernière proposition : que les banques appellent ou n'appellent pas une participation dans la situation qu'on connaît, je ferais voter si je suis élu président de la République une disposition qui permettra qu'il y ait un membre du conseil d'administration qui soit forcément désigné par l'État pour jouer le rôle de surveillance.

Merci on a compris votre position sur les banques.

MA : Depuis 2008 nous demandons cela, depuis 2008 nous demandons cette séparation qui a été faite dans d'autres pays et pas chez nous, de même qu'on n'a pas interdit les ventes à découvert. On n'aurait pas eu à nouveau en France le problème qu'ont nos banques. Il aurait fallu de temps en temps écouterl'opposition.

On va parler maintenant salaires, emplois, c'est la séquence sociale. PatrickCohen, vous avez souhaité commencer sur les licenciements.

Oui. Des licenciements abusifs ou licenciements boursiers, desdélocalisations sauvages qui ont souvent marqué l'opinion ces dernièresannées. Ségolène Royal en avait fait un thème de campagne ces dernièressemaines. Elle proposait l'interdiction pure et simple des licenciementsboursiers. Or dans son communiqué de soutien à François Hollande elle aindiqué que cette proposition sera prise en compte dans votre programme.Est-ce que c'est la vérité ?

FH : La question des licenciements boursiers est posée. On a toujours des exemples qui nous viennent à l'esprit. Goudiere il y a quelques mois défrayait la chronique. On a mis une illustration d'une entreprise qui pour des raisons purement spéculatives, améliorer leur rendement, décide de licencier. J'ai deux propositions. Une que j'avais déjà formulée : il faut pénaliser financièrement. Pourquoi faut-il pénaliser financièrement ? Parce que si c'est bien le motif -avoir un gain boursier- si on impose une taxe, c'est une taxe sur le licenciement.

Sur un mode administratif, pas judiciaire ?

FH : Ce n'est ni administratif ni judiciaire, c'est fiscal. Ça coûte plus cher : vous licenciez, vous payez plus cher.

Qui décide si c'est un licenciement boursier ?

FH : Il y a des preuves très faciles à établir. Vous avez un cours de bourse, vous avez des bénéfices et vous licenciez en ayant fait des bénéfices pour que votre cours de bourse remonte. C'est facile.

Martine Aubry n'est pas convaincue.

FH : C'est la première disposition. La deuxième disposition, j'ai entendu ce qui a été dit dans le débat, notamment sur le plan judiciaire. Le problème de l'intervention de la justice c'est qu'elle est trop tardive. Quand elle intervient, c'est trop tard.

Pour les ex-salariés de Lu Danone ça a pris 10 ans.

FH : C'était trop tard. Donc il faut une procédure en référée, c'est-à-dire que le tribunal puisse intervenir très vite pour suspendre la procédure de licenciement. C'est la proposition que je fais.

Donc ça n'est pas une interdiction pure et simple comme le proposaitSégolène Royal ?

FH : Non.

Avec l'intervention d'inspection du travail en amont. Martine Aubry ?

MA : Je pense que Ségolène Royal a compris que François Hollande reprenait sa proposition. C'est ce qu'elle m'a dit.

Et vous voulez dire que ce n'est pas le cas ?

MA : Ce qu'a dit François n'est pas ce que propose...

FH : J'ai dit que je prenais compte le licenciement boursier, j'ai donné les deux illustrations.

MA : Je reste exactement sur ce que je propose depuis toujours parce que je n'ai pas besoin de changer mes propositions pour rassembler. Je continue à défendrela même chose, c'est-à-dire que quand une entreprise fait des bénéfices elle doitreclasser les salariés, elle doit réindustrialiser le site. Ça va effectivement lui coûterplus cher. Mais je ne pense pas comme François Hollande l'a dit au dernier débat que parce qu'on est dans un pays où l'argent est le nerf de la guerre, il suffira depayer les salariés. Les salariés de Lu ont touché de l'argent mais 10 ans après ils n'ont plus de boulot. Je propose qu'en parallèle de ces règles il y ait la possibilité pour les salariés, pour leurs représentants, de saisir le tribunal de commerce. C'est déjà possible pour les actionnaires, quand le directeur général prend des décisions qui ne leur vont pas, ils peuvent le saisir. Qu'on puisse le saisir parce que c'est en référé et que ça va très vite, pour mettre sous tutelle l'entreprise. Regardez Molex : une entreprise qui gagnait de l'argent, qui a été achetée par un fond de pension américain.

L'entreprise ou la filiale ?

MA : C'était l'entreprise, c'était une entreprise. Dans un cas comme celui-là on aurait dit : « on attend, on essaie de trouver un repreneur en France », il n'y avait aucun problème elle gagnait de l'argent, on en avait besoin pour l'automobile et l'aéronautique. Non, on a laissé partir ce fleuron. Donc je propose une intervention en référé pour que ce soit extrêmement rapide.

Une mise sous tutelle.

MA : On appelle ça comme cela : un administrateur provisoire et pendant ce temps-là l'État intervient, l'État regarde s'il y a un repreneur, dit à Molex : « non ce n'est pas possible, cette entreprise est extrêmement rentable, nous avons des brevets, nous avons des salariés, nous avons des clients en France ». J'ajoute que sur un cas comme celui-là j'en avais parlé au président de la République. À partirdu moment où 80% des clients étaient Renault ou Peugeot et qu'on venait dedonner beaucoup d'argent à ces deux entreprises on aurait pu mettre comme conditions qu'elles ne continuent pas à aller commander chez Molex aux États-Unis et qu'elles disent à Molex : « on veut que vous restiez là ».

On parle des retraites.

Question sociale évidemment importante. Sans revenir sur le débat de fondqui a beaucoup occupé l'espace public ces dernières années, est-ce quevous diriez l'un et l'autre que vous vous sentez au clair sur cette question,que vous estimez être d'accord sur les modalités du retour à l'âge légal de60 ans ? Ou Martine Aubry est-ce que vous diriez comme certains de vosproches ces derniers jours que vous avez entendu des ambiguïtés dans lesdéclarations de François Hollande.

MA : Laissons d'abord François Hollande s'exprimer.

Vous connaissez ses prises de positions.

MA : Mes positions encore une fois sont connues. Je veux bien commencer mais je ne vais pas redire des propositions que chacun connaît.

FH : Je ne pense pas qu'il y ait désaccord. J'ai dit la première décision que je prendrais sur cette question des retraites. C'est de permettre à ceux qui ont cotisé 41 années et qui ont 60 ans de partir. Ça veut dire qu'on rétablira l'âge légal si c'est la question sous-entendue. Mais pour partir à taux plein il faudra avoir fait 41 années de cotisation.

Et ceux qui n'auront pas leurs 41 années auront une décote mais auront ledroit de partir à 60 ans ?

FH : C'est la liberté. Effectivement ils auront une décote qui ne les conduira pas nécessairement à prendre leur retraite à 60 ans.

Vous êtes d'accord Martine Aubry ?

MA : Je suis d'accord mais je vais plus loin. Je pense qu'il faut aussi donner cette possibilité de partir à 60 ans aux salariés qui ont eu des emplois pénibles. Il fautdonner un coefficient à leur année : ils ont fait une année en tâches répétitives, en continue dans la sidérurgie, en tâches répétitives chez Moulinex, ça compte une année 2 ou une année 3. Ce sont des salariés qui ont commencé en général tôt mais qui ont eu des emplois pénibles, c'est ce qu'avait signé monsieur Fillon avec la CFDT mais qu'il n'a pas respecté. Donc il faut le faire. Deuxièmement je complète. Je ne suis pas favorable à ce qu'a fait le gouvernement c'est-à-dire depousser de 65 à 67 ans l'âge auquel on peut finalement partir quand on n'a pas sa durée de cotisation. Ce sont les femmes essentiellement qui sont touchées parce qu'elles ont des carrières hachées, du travail à temps partiel, elles se sont arrêtées pour leurs enfants, elles ont eu des périodes de chômage plus importante. Donc je suis pour revenir à 65 ans et à 60 ans comme une liberté même si j'ai évidemment défendu et je suis heureuse que le Parti socialiste ait eu ce courage, qu'il fallaitaugmenter la durée de cotisation puisque l'espérance de vie augmentait. Avec cela plus les rentrées fiscales que nous avons prévues, notamment le fait que les stock-options et les bonus paient les mêmes cotisations que les salaires, nous avons un projet qui est totalement ficelé.

Est-ce que vous avez chiffré le coût ?

MA : Bien sûr.

FH : Il faut considérer deux temps. Le premier temps qui est immédiat. Qu'est-ce qu'il faut rétablir tout de suite pour que des salariés qui regardent notre émission et sont concernés puissent se dire : si les socialistes arrivent aux responsabilités, si nous avons cotisé 41 années, nous pouvons partir à 60 ans ? C'est ce qu'il fautfaire tout de suite. Ensuite il y a la réforme telle qu'elle a été décrite par Martine, c'est-à-dire à la fois sur l'espérance de vie, la pénibilité. Ce n'est pas la même chose de travailler au 3.8 ou de travailler dans un bureau. Il y a aussi la souffrance au travail qui doit être un élément d'appréciation et les carrières incomplètes notamment des femmes. Ça fera partie de la réforme que nous soumettrons aux partenaires sociaux parce qu'ils l'ont demandée. Ils ne l'ont pas eu avec Nicolas Sarkozy et donc il faut qu'il y ait ce débat, cette discussion, cette concertation. Et ça viendra en 2013.

Vous êtes d'accord sur ce sujet.

MA : Ce qui veut dire que tu n'es pas d'accord avec Pascal Terrasse qui te conseille sur cette question et qui vient de nous expliquer qu'il fallait passer de 60 à 65 ans.

Pascal Terrasse, qui est un des soutiens de François Hollande.

MA : Il conseille François Hollande sur ces questions et il vient de dire qu'il fautporter l'âge légal de 60 à 65 ans mais je n'imagine pas que tu puisses êtred'accord là-dessus.

FH : Peut-être que tu as mal compris, ça écarterait tous soupçons de ce côté.

MA : Malheureusement j'ai bien compris.

FH : Il y aura ce débat avec les partenaires sociaux qu'il faudra respecter.

La fonction publique.

Nous avons une des dépenses publiques les plus élevées d'Europe : 56%du PIB, de la richesse nationale. C'est à peu près 8 points de plus qu'enAllemagne. Et nous avons une fonction publique très nombreuse, c'est lepremier poste de dépense dans le budget de l'État. Est-ce qu'il vous semblesouhaitable que l'État continue de mincir, que certaines de ces missionssoient revues et que globalement les fonctionnaires soient à l'avenir moinsnombreux ?

FH : Je suis pour une réforme de l'état à travers un nouvel acte de la décentralisation. Nous avons encore un État qui dirige du haut, qui impose des règles pour que le bas . Nos territoires sont embarrassés ou contraints ou ligotés. Une des réformes que j'aurai à proposer sera de faire un nouveau transfert de compétences avec les fonctionnaires qui sont attachés à ces compétences vers les collectivités locales avec des principes de compensation et des règles fiscales. Si on fait des gains de productivité sur des services, on les constatera : ça veutdire qu'on travaille mieux, qu'on travaille différemment et que dans ce service il n'y a pas besoin de maintenir des fonctionnaires. Il faudra qu'on les redéploye ailleurs. J'ai évoqué notamment l'éducation nationale compte-tenu de l'ampleur des suppressions de postes. Mais il y a un principe que j'annulerai c'est le principe qu'a établi Nicolas Sarkozy mais sans rien comprendre à ce qu'est la réforme de l'État, c'est le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux dont on voit les conséquences.

Sur la question de Patrick Cohen, globalement est-ce que vous pensez quel'État doit mincir ? Sans appliquer la règle du 1/2, doit-il y avoir moins defonctionnaires ou non ?

FH : Non, je pense que l'État doit mincir au sens où il doit renvoyer sur les collectivités locales ce qu'il ne fait plus bien.

Que les fonctionnaires d'État deviennent des fonctionnaires territoriaux.

FH : Ça fera partie de la discussion aussi.

Martine Aubry ?

MA : Trois choses. D'abord supprimer cette règle imbécile comme le disait Philippe Seguin de dire que partout on enlève une personne sur deux. Deuxièmement, il faut savoir de quoi on parle. Quand on se compare avec les autres pays, qu’est-ce qui est important ? Est-ce que pour les Français, le service est de meilleure qualité et moins coûteux quand c'est fait par le public ou est-ce qu’il vaut mieux qu’ils payent directement ? Quand je regarde ce qui se passe aux États-Unis ou en Grande-Bretagne où on paye les études, où on paye pour se fairesoigner. Alors, oui, ils ont beaucoup moins, effectivement, de fonctionnaires et d’agents publics, mais ça leur coûtent beaucoup plus cher.

Mais quand vous regardez lAllemagne.

FH : Mais en Allemagne c’est un pouvoir fédéral où il y a de grandes régions.

MA : En Allemagne c’est la régionalisation et c'est souvent la région qui paye ou bien ce sont par des conventions collectives, les patrons qui payent, car il y a des mutuelles beaucoup plus fortes et qui accompagnent effectivement les salariés, ce qui n’est pas le cas dans notre pays, donc il faut savoir ce que l’on compare. Troisièmement, moi je crois que les économies les plus importantes à faire c’est dans la déconcentration des services d’Etat. Nous sommes le seul pays moderne où on a fait une décentralisation qui a été mise à bas par la loi actuelle de réforme des collectivités locales, que nous abrogerons pour faire un troisième acte de décentralisation, mais ce qui est incroyable, c’est que les services de l’Etat, ont gardé leurs services déconcentrés. Par exemple, quand moi je décide d’embaucher un contractuel, quand je décide de faire des travaux dans une école et bien monsieur le Préfet, me dit ce qu’il en pense et me dit oui ou non. Il n’y a aucun pays moderne où ça se passe. Tous ces fonctionnaires, tous ces agents publics, moi je préférerai par exemple que ceux de la DASS aillent au conseil général pour être au plus près des personnes âgées, des personnes handicapées, sur le terrain et qu’ils aillent s’en occuper.

On a compris la philosophie de votre réponse.

MA : Voilà, que l’Etat regarde sa déconcentration.

Question précise et réponse courte peut-être, Nicolas Sarkozy a instauré, il afait voter, disons, un service minimum garantie en cas de grève. Est-ce quevous reviendrez sur cette mesure, François Hollande ?

FH : Moi, j’ouvrirai la négociation avec les partenaires sociaux pour trouver des règles qui soient mieux appliquées parce que mieux applicables.

Cest-à-dire que vous navez pas da priori sur cette question ?

FH : Non, je pense qu’il faut laisser cette règle d’un service minimum, mais ça doitêtre défini par les partenaires sociaux et non pas par la loi comme ça a été fait.

MA : Ça a d’ailleurs était fait dans certaines entreprises à la RATP.

FH : A la RATP notamment.

MA : Je pense que ça marche mieux que quand on l’impose. On le voit à tout moment.

Vous ne revenez pas dessus ? Vous la confiez en négociation auxpartenaires sociaux avec lEtat ?

MA : Absolument, c’est exactement ce que nous souhaitons faire. Je crois que de manière générale, d’ailleurs, ça ne marche pas autrement, donc c’est à la fois plus juste, c’est ouvert et c’est en même temps plus efficace.

Patrick, on parle déducation.

Oui et aussi, éducation et fonction publique par définition puisque dans lecadre que vous avez défini, que faites-vous des niveaux de salaires dans lafonction publique parce que si les fonctionnaires sont nombreux, on la dit,ils ne sont pas très bien payés. Il y a une étude récente de lOCDE quimontre que les enseignants français sont parmi les plus mal payés des paysdéveloppés, en tout cas ils sont en dessous de la moyenne. Est-ce que vouspouvez combiner à la fois une promesse de réembauche, 60 000 postesdans léducation nationale, pour vous François Hollande et la promesse derevalorisation de salaires ?

FH : Vous savez que j’ai fait de l’éducation et de l’école la grande priorité parce que c’est la condition pour nous en sortir. Pour nous en sortir pour chaque famille parce qu’il faut qu’il y ait un espoir, il faut qu’il y ait une promotion, il faut qu’il y ait une mobilité. J’en ai fait la grande cause pour le redressement de l’économie du pays. Si on n’a pas un niveau de formation, de qualification, on ne pourra pas êtrecompétitif. J’en ai fait une grande cause de civisme, de citoyenneté parce que si on n’apprend pas les règles de la vie en société, des comportements, de la laïcité, qu’est-ce qui fera que notre société, notre vivre ensemble pourra se poursuivre ? Donc quand il y a eu 100 000 suppressions de poste, 100 000 dans l’éducation nationale, j’ai dit on va faire 12 000 par an. On en a déjà discuté et on va négocierle contrat éducatif avec les personnels, pas que les enseignants d’ailleurs, puisque dans les 12 000 postes par an, il y aura des enseignants, des infirmières, des psychologues, des surveillants, tout ce qui fait fonctionner nos établissements.

Mieux payés ?

FH : Alors, après la question, enfin on a évoqué la question des finances publiques, donc il faut être sérieux, il faut être sincère, il faut être authentique, donc il va falloir négocier avec les syndicats. Ça ne se fera pas la première année ou la deuxième année. Il faudra avoir cette politique de revalorisation parce que vous avez raison, c’est en France que les enseignants sont les plus mal payés. Alors, nous en discuterons dans un cadre d’une réforme globale de l’éducation.

Martine Aubry, quest-ce qui vous a fait dire que François Hollande avaitchangé davis sur cette question puisque vous lavez dit à plusieursreprises ces derniers jours ?

MA : Attendez pour pouvoir bien répondre, oui, mais je voudrais juste vérifier, parce que pour qu’on aille au bout des choses, parce que les Français attendent qu’on soit précis effectivement, 60 000 fonctionnaires c’est donc 2,5 milliards, donc tu mets 2,5 milliards sur le budget ?

FH : A la fin de l’année.

MA : A la fin, oui, la dernière année.

FH : Donc c’est 500 millions. Je rappelle que le budget de l’enseignement scolaire c’est 50 milliards d’euros, donc c’est 1% du budget.

MA : C’est donc 2,5 milliards ?

FH : A la fin du quinquennat.

MA : Et quand tu disais : « Je supprimerai le redoublement, ça coûte 2,5 milliards » ?

FH : Oui, le redoublement c’est 2,5 milliards à la fin du quinquennat.

MA : Alors, ça veut dire que tu souhaites créer 60 000 emplois qui coûtent 2,5 milliards, mais tu en supprimes à nouveau 60 000 puisque le redoublement c’est des profs en moins.

FH : Non, le redoublement c’est des effectifs en plus. Je ne dis pas qu’il fautsupprimer tous les redoublements, il y a des fois où c’est nécessaire, mais on voit bien qu’il y a une marge. C’est en France, qu’il y a le plus de redoublement. C’est en France quand on le rythme scolaire le plus absurde, donc il y a des économies que l’on peut faire dans le système.

MA : Ça on est d’accord, mais ça veut dire que quand on dit on crée 60 000 emplois, ça coûte 2,5 milliards, on en retire 60 000 parce qu’on supprime les redoublements, ça veut dire que finalement on n’embauche pas d’enseignant complémentaire.

FH : Oui, pourquoi ? Je ne comprends pas le raisonnement. On peut avoir moins de redoublement et avoir plus d’enseignants pour suivre les élèves. C’est l’objectif. Je préfère qu’il y ait plus d’enseignants pour suivre des élèves qui seront amenés à ne pas redoubler plutôt que d’avoir des redoublements avec des effectifs constants, pour moi c’est plus clair.

MA : Oui, mais si le redoublement coûte 2,5 milliards, c’est parce qu’il coûte des enseignants.

Si le redoublement coûte 2,5 milliards, vous dites ?

MA : Ça veut dire que ça coûte 2,5 milliards en professeurs, donc si on veut lesretirer. Là, je ne parle pas de l’idée même du redoublement. On redouble beaucoup plus en France qu’ailleurs, ça c’est vrai, c’est la facilité, mais je pense qu’il y a certains redoublements qui sont nécessaires, donc on ne peut pas tous lesretirer, loin de là, c’est à peu près 10 % de redoublement dans le secondaire, mais ça veut dire, si on dit : « Je finance les 2,5 milliards par le non redoublement » ça veut dire qu’on retire des professeurs, que par ailleurs on dit qu’on va ajouter.

FH : On les mettra dans le suivi des élèves. Je ne comprends pas très bien le raisonnement. Il vaut mieux les mettre dans le service aux élèves plutôt que d’avoir ce système-là, qui est absurde. On a des effectifs beaucoup plus importants avec aussi les redoublements, bien sûr.

MA : Alors, moi je n’ai pas dit ce que j’allais faire sur l’école, parce que je crois que réellement que rajouter des enseignants, c’est absolument nécessaire, on l’a dit, mais je crois que vraiment on est face à une crise profonde de l’école et il faut la refonder profondément. J’y travaille depuis deux ans maintenant avec les syndicats d’enseignants et avec les parents d’élèves. Et d’ailleurs je recommencerai dès le lendemain de la primaire, car je veux pouvoir dès l’automne, quand je serai élue Présidente de la République, faire voter un pacte éducatif sur cinq ans qui donne une véritable révolution à l’éducation nationale. Il ne suffit pas de rajouter des enseignants. Il faut changer les pédagogies. Il faut changer les rythmes scolaires. Il faut remettre la formation des enseignants, ça coûte cher. Il faut leur donner la possibilité de travailler en commun et il va falloir payer pour ça. Il faut revaloriserles salaires lorsqu’il y a ces tâches complémentaires qui arrivent et moi je le dis, parce qu’il faudra être courageux pour le dire, je pense que comme on ne pourra pas tout faire en même temps et que certaines choses, celles que je viens de diresont absolument nécessaires, il faudra mettre moins d’élèves là où il y a des quartiers en difficulté, là où il y a des difficultés et il ne faudra pas hésiter à mettreplus là où les gens vont bien, donc je vais commencer dès le lendemain de la primaire, cette négociation pour que ce pacte éducatif puisse être effectivement en place à l’automne 2012 et entrer en application en 2013.

Un dernier mot rapidement François Hollande pour quon avance.

FH : Oui, une précision qui n’enlève rien à ce qui a été dit. Si nous voulons rétablirla formation pour les enseignants et c’est indispensable, c’est le seul métier aujourd’hui où on recrute, d’ailleurs de plus en plus difficilement, parce qu’il y a de moins en moins de vocation compte tenu de la raréfaction des postes.

MA : Et des salaires bas.

FH : Et des salaires bas et bien, si nous voulons rétablir une année de formation, c’est 16 000 postes parce que pendant que les enseignants nouveaux sont formés, ils ne sont pas devant les élèves. C'est dire l’ampleur de la tâche et la raison de ma proposition.

Quelle Europe pour demain ? Et cest Françoise FRESSOZ du journal LeMonde que nous accueillons. Bonsoir Françoise.

Bonsoir.

Vous avez souhaité commencer par un mot, un concept quon entendbeaucoup en ce moment, la démondialisation.

Bonsoir Martine Aubry, Bonsoir François Hollande. Oui, ce qui ma surpriscest au score du premier tour de la primaire les 17 % engrangés par ArnaudMontebourg sur une thématique anti-mondialisation, anti libre-échange,donc si vous êtes élu Présidente de la République ou Président de laRépublique, est-ce que vous reprendrez à votre compte ce combat ? Est-cequêtre socialiste cest être contre louverture au monde ?

MA : Je dirai d’abord que quand on est socialiste aujourd’hui, on voit les dégâts du libre-échange. Les dégâts du libre-échange qui fait qu’on met en concurrence tout, y compris nos produits agricoles ce qui fait que les agriculteurs vont si mal, qui fait que les entreprises délocalisent, qui fait que personne ne respecte plus les règles environnementales, laisse à penser et c’est ce que je propose de manière extrêmement forte, c’est pour ça que j’ai beaucoup travaillé avec les autres partis socialistes européens pour cela, ce que je propose effectivement c’est une régulation de la mondialisation. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’aujourd’hui il faut une Europe qui innove et ça, c’est pour moi très important, qui retrouve l’envie de faire des projets communs, on en parlera peut-être, mais aussi une Europe qui protège, qui arrête d’être naïve dans la mondialisation. Bien évidemment, parce que je suis de gauche, je pense que tous les pays doivent se développer et je pense aussi à l’Afrique et je pense qu’il faut que nous soyons heureux quand on voit les autres pays se développer, mais il faut qu’ils respectent un minimum de règles. C’est la raison pour laquelle, je crois qu’il faut qu’on mette au même niveau que l’organisation des Nations Unies les règles du BIT, que je prône. De plus en plus de partis européens sont d’accord avec nous.

Oui, parce que tout cela ne dépend pas de nous ?

MA : Non, bien sûr. C’est pour ça que j’ai travaillé depuis trois ans avec ces partis. On a signé à Athènes une charte commune où nous demandons ensemble, par exemple, la création de cette agence de l’environnement pour faire quoi ? Pourfaire deux choses extrêmement simples. Moi, j’appelle ça le juste échange, je sais que certains étaient réticents, mais finalement c’est dans le projet que je propose et que je mettrais en place.

Arnaud Montebourg trouve ça un peu flou, le libre-échange, cest ce quil adit.

MA : Mais c’est ce qu’il reprend. Non, ce n’est pas flou du tout. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire, la Chine empêche nos capitaux, c’est-à-dire nos entreprises d’allerinvestir chez elle, on dit à la Chine : « Et bien si c’est le cas, vous ne venez plusinvestir chez nous ». La Chine ne respecte pas un minimum de règles sociales et environnementales, nous taxons ses produits à l’entrée.

Mais Martine Aubry, vous avez signé avec le SPD un texte commun pourlutter contre la crise. Il ny a pas un mot sur la protection des frontièreseuropéennes ?

MA : Non, excusez-moi, ce n’est pas dans ce texte-là. Là, nous avons signé un texte avec le SPD qui est un texte sur la crise financière, mais nous avons signé à Athènes, un texte, avec l’ensemble des partis socialistes européens et Poul Rassmussen a eu la gentillesse, quand il est venu à la convention internationale, ici, du parti socialiste, de dire : « Les socialistes français, il a choisi le terme des abeilles, ont essaimé le juste échange » et je crois qu’aujourd’hui entre le libre-échange et ce que propose finalement madame Le Pen, c’est-à-dire fermer les frontières, c’est-à-dire faire en sorte que tous ceux qui travaillent actuellement pour l’exportation ne puissent plus le faire, qui est une fausse réponse, et bien nous avons une réponse qui passe par la concertation, la réciprocité et l’obligation si on n’arrive pas à avoir des accords.

François Hollande, la mondialisation, cest une mauvaise chose ou unebonne chose ?

FH : Une mondialisation sans règles, c’est une mondialisation qui écrase les faibles, c’est ce qui se produit et qui n’épargne pas les forts y compris des pays comme les nôtres. J'ai compris quand même dans les messages, ce n’est pas le premier qui nous est envoyé, celui d’Arnaud Montebourg vient après d’autres, qu'il y a une vraie inquiétude. On peut être pour l’économie ouverte, je suis pour l’économie ouverte, mais pas pour l’économie offerte. On ne va pas se donner à des concurrents qui ne respectent rien. Moi, j’entends cette inquiétude et je la mesure à travers tous mes déplacements, quand une entreprise est délocalisée, quand une entreprise subie une concurrence déloyale sur un certain nombre de produits, y compris sur le plan alimentaire. Alors, qu’est-ce qu’il faut faire ? Il y a trois principes. Premier principe, c’est le principe de réciprocité.

Donc là, vous êtes daccord avec Martine Aubry ?

FH : Bien sûr. Quand il y a un pays qui ne fait pas ouvrir ses marchés publics. On ne lui fait pas place pour nos marchés publics. Quand il y a un pays qui ne protège pas nos brevets, ce pays-là ne peut pas non plus venir chez nous pour nousprendre un certain nombre de propriétés intellectuelles.

Quand ce pays, comme la Chine, vous pensez ?

FH : Avec la Chine, c’est ma deuxième proposition. La Chine fait un excédent commercial considérable par rapport à la France, plus de 20 milliards d’euros et un excédent, également, considérable par rapport à l’Europe. Est-ce qu’on peutaccepter que la Chine ne respecte pas les normes environnementales ? Non. Est-ce qu’on peut accepter que la Chine ait une monnaie inconvertible ? C’est-à-dire que c’est le seul pays, parmi ceux qui pèsent, sur la scène mondiale, qui dit : « Voilà, la valeur de ma monnaie, c’est cette parité et j’en décide librement ».

Mais comment on fait François Hollande pour dire à la Chine darrêter ?

FH : Et bien on discute. On fait la pression, pas la France seule, ce n’est pas possible, d’ailleurs ce n’est pas une compétence que la France peut encoreexercer.

Parce que même les États-Unis ny arrivent pas sur la monnaie.

FH : Si, ils viennent de voter au congrès une clause de sauvegarde.

MA : Si, ils viennent de signer des clauses de sauvegarde, au contraire.

FH : Donc ça veut dire quoi ?

Donc il faut faire la même chose ?

FH : Ça veut dire que l’Europe, elle-même, doit s’organiser. Il ne s’agit pas de dire : « On ne va plus faire de commerce avec la Chine », on en a besoin parce qu’on achète des produits chinois, mais enfin on vend aussi des matériels à la Chine. Dernier point, il y a une manière aussi de nous protéger, utilement. C’est la contribution carbone aux frontières de l’Europe, c’est-à-dire de dire : « Voilà, chaque fois que vous venez avec un produit qui n’a pas respecté un certain nombre de règles environnementales, vous payez une taxe aux frontières », et donc sur ces trois principes, la Chine qu’il faut mettre sous pression, les principes de réciprocité et troisièmement d’avoir cette contribution écologique, je pense que nous répondons à une partie du problème.

Alors, vous parlez tous les deux de protection, est-ce que vous assumez leprotectionnisme comme Arnaud Montebourg ?

MA : Non, attendez, il faut savoir ce qu’on met derrière les mots. Quand Arnaud Montebourg parle de démondialisation, on ne va pas revenir sur la mondialisation et je le dis, moi, heureusement parce que je suis pour que tous les peuples se développent et vivent bien, mais quand il veut dire démondialiser il veut direchanger la mondialisation actuelle et dit : « Il faut faire une mondialisation pour les hommes et non pas pour les financiers ».

Sur le protectionnisme ?

MA : Pour dire les choses très simplement, il appelle protectionnisme ce que nous, nous appelons, ce que moi j’appelle, juste échange et je suis fière de l’avoir fait parce que ça n’a pas été facile de le faire passer au parti socialiste et je dirai que je suis aussi heureuse pour une autre raison, c’est que j’ai essayé de comprendreaussi le vote du non au traité de Maastricht. J’avais voté oui, mais parmi ce vote du non, il y avait ceux qui disaient « nous sommes fragilisés. Nous sommes les benêts de la classe finalement, nous nous laissons emporter par les autres pays ». Et bien, j’ai réconcilié les oui et les non. Dans cette proposition, je crois que c’est une très bonne chose parce qu’aujourd’hui nous avons une position commune vers une Europe qui a finalement deux bras. Aujourd’hui c’est la Vénus de Milo, elle n’a pas de bras. Il faut qu’elle innove. C’est un gouvernement économique, c’est l’harmonisation fiscale et sociale, c’est les investissements d’avenir, c’est le développement durable, c’est les infrastructures énergétiques, c’est une politique énergétique et une Europe qui protège, c’est ce que nous venons de dire.

Question précise sur le protectionnisme, je la pose à vous, FrançoisHollande, mais à Martine Aubry aussi, Arnaud Montebourg, par exemple, ildit : « La compagnie AIR France, ne devrait acheter que des Airbus ». Vousêtes daccord ?

FH : La compagnie AIR France peut acheter des Airbus, c’est quand même plutôt bien, elle peut acheter d’autres avions puisqu’il se trouve que la compagnie American Airlines achète des Airbus, donc si on fait cette règle un peu mécanique, en disant : « On achète simplement nos propres produits, c’est la fin du commerce mondial » donc il faut avoir des règles et je pense que c’est très important d’imposer des normes, mais il faut aussi avoir confiance dans l’échange et dans la compétition. Si la France a peur d’elle-même, parce que c’est ça la grande question, c’est la peur. Est-ce que nous sommes capables d’avoir un projet qui va nous relever ? Est-ce que nous sommes capables de croire en notre destin ? Est-ce que nous sommes là, nous la France ? On n’est pas n’importe quel pays. On est un grand pays, un grand pays industriel, qui hélas a perdu des positions. Est-ce qu’on est capable d’avoir une stratégie ?

Ça veut dire que le protectionnisme, vous êtes contre, vous ?

FH : C’est ce que je propose. Moi, je n’ai jamais été pour le protectionnisme, mais je suis pour une stratégie offensive. Je ne suis pas pour me mettre derrière des barbelés. En même temps, je ne veux pas être naïf non plus et innocent en disant : « Venez, Venez, produits chinois, prendre nos emplois ». Non, mais je veux une stratégie offensive, sur les nouveaux secteurs industriels, sur ceux qui vont être dans les biotechnologies, ceux qui vont être dans la recherche sur les transitions énergétiques, bref tout ce qui va faire l’industrie automobile, l'industrie aéronautique, tout ce qui fait le fleuron de notre industrie d'aujourd'hui et de demain, je suis pour que l'État définisse avec les grandes entreprises, avec les PME, avec les régions cet acte de stratégie industrielle.

MA : Un mot sur l'industrie. Si les compagnies américaines disaient : « on n'achète plus que du Boeing » en réciprocité on ferait la même chose, évidemment. Notre pays a fait Airbus, a fait Ariane, a fait le TGV, l'a vendu partout dans le monde. Croyez-vous qu'aujourd'hui il n'est pas capable de faire la même chose en créant des produits dans les nanotechnologies, dans la santé, dans les textiles techniques et innovants, dans la transformation verte de notre économie ? On peut créer par des énergies renouvelables des centaines de milliers d'emplois. Donc la question c'est : il faut un État stratège, un État qui prépare l'avenir - c'est la recherche qui a été abandonnée. Un État qui a une véritable politique industrielle avec l'outil que j'ai proposé : une banque publique d'investissements régionalisée parce que cela doit être au plus près du territoire pour aider nos PME, pour qu'elles deviennent des entreprises moyennes se battant à l'international comme les Allemands le font par exemple. Le nerf de la guerre est là. On a tout abandonné aujourd'hui. Ayons une politique industrielle et appuyons-nous sur les atouts de la France et la décentralisation.

Un sujet d'actualité : la Grèce.

La crise de la dette de la Grèce dure depuis 18 mois, il y a eu deux planseuropéens qui n'ont pas marché. On va probablement faire un effacementde la moitié de cette dette grecque. Qui va payer ? Que doit faire l'Europe ?

MA : L'Europe devrait faire maintenant ce qu'elle n'a pas fait depuis 3 ans et que nous avons demandé depuis 3 ans. Nous avons toujours eu l'impression que les dirigeants européens arrivaient trop tard et faisaient trop peu. Et faisaient après de manière trop brutale pour le pays concerné. Qu'est-ce qu'on a demandé depuis le début, qu'est-ce que j'ai demandé ? J'ai été à toutes les réunions avec les leaders européens, nous en parlions encore avec Poul Rasmussen hier et j'ai été voirSigmar Gabriel le président du Parti social démocrate allemand il y a 3 semaines pour en parler puisque nous sommes en train de prendre des décisions. Il faut en effet pour la Grèce faire ce qu'on n'a pas fait. Il faut lui prêter de l'argent, c'est le fond de stabilisation financière. Chacun des pays contribue avec sa part, emprunte sur les marchés financiers autour de 2 à 2,5 % et lui prête à ce taux. Contrairement à ce qu'a dit monsieur Sarkozy aux Français devant madame Merkel, on ne va pas payer à la place des Grecs.

Si on annule la moitié de la dette il va bien falloir que quelqu'un renonce àcette créance.

MA : C'est les banques qui vont payer, j'y viens dans un instant. Ces banques ont continué à spéculer en croyant que le titre grec n'allait pas descendre plus bas et qui ont continué pendant la crise à spéculer en espérant gagner de l'argent. Je vous parle de la réduction des déficits grecs. On n'a pas voulu faire cela, on est arrivé trop tard, on a prêté trop peu et surtout on a imposé un plan d'austérité. Même madame Lagarde qui trouvait ça formidable pense, depuis qu'elle est arrivée au FMI, que ce qu'on a fait est scandaleux. On a cassé la croissance grecque. Monsieur Papandréou me disait : « nous avons perdu 12 % de croissance ». 12% de croissance ce sont des recettes fiscales et c'est surtout une situation pour les Grecs qui est catastrophique. Donc on doit l'aider, on doit lui donner 5 ans mais on doit lui demander un plan précis évalué et contrôlé. Par exemple il y a un domaine dans lequel ils n'ont pas assez avancé c'est l'évasion fiscale. Il faut absolument que la Grèce fasse des efforts là-dessus. Il faut les deux choses :la baisse des déficits et ne pas casser la croissance.

Vous dites : « les banques doivent payer pour la Grèce », même point devue François Hollande ?

MA : Vous caricaturez. Les pays doivent payer et sur la partie spéculative il a été prévu que les banques collectivement apportent 21% des contributions pour cette dette.

FH : Le problème grec est posé non pas depuis 3 ans mais depuis 18 mois. La Grèce a annoncé qu'elle ne pouvait plus payer le remboursement de sa dette. La France comme les pays européens ont tergiversé. Ce qui fait que 18 mois après on en est encore là. Pourquoi ces pays, le nôtre et le chef d'État en particulier, ont tergiversé ? Parce qu'ils ont pensé qu'en imposant une austérité aux Grecs et en leur prêtant un certain nombre de fonds nous pourrions nous en sortir. Ça n'a pas été le cas et hélas ces questions se sont transférées sur d'autres pays : Portugal, Irlande, peut-être Italie. Qu'est-ce que je propose ? Il faut acter que la Grèce ne remboursera pas. Il faut le dire. C'est ce qu'on appelle le défaut partiel.

Partiel ou total ?

Jusqu'à 50% par exemple comme il en est question ?

FH : Qui paie le fait que la dette ne puisse plus payer ? Il faut le constater. Ce sont les banques. On en revient à la question de la recapitalisation des banques. Il faut que ceux qui ont prêté soient punis parce que c'est la règle dans une économie qui se voudrait de marchés mais qui appelle toujours l'État quand il y a une perte. La nationalisation des pertes ne marche plus. Deuxième constat : l'Europe doit prêterà la Grèce le reste de la dette pour qu'elle puisse s'arranger sans avoir un plan d'austérité qui la mette à bas. Donc pour qu'il y ait ce prêt il faut que l'Europe invente une procédure. Ça a été le fond de stabilité financière. Mais avez-vous vu le fond de stabilité financière aujourd'hui ?

Il n'a pas été voté.

FH : Il n'a pas été voté parce que la Slovaquie, un pays que je respecte, dit : « non, finalement on n'est pas d'accord ».

Parce qu'il faut l'unanimité de la zone.

FH : Parce qu'il faut l'unanimité. Donc il va falloir changer les règles de la constitution européenne. La règle doit être la majorité et pas l'unanimité. Et deuxièmement, je termine sur ce que l'Europe doit faire sur le plan financier une fois qu'elle a changé ses règles. Il faut qu'elle prête à la Grèce, et on retrouve ici l'idée des Euro-bons ou des Euro-obligations. Ça ne vaudra pas simplement pour la Grèce. Ça voudra dire que l'Europe va emprunter à la place des autres États, ceux qui ont des difficultés mais peut-être d'autres encore et pourra emprunterpour elle-même. C'est la grande idée que l'Europe puisse emprunter pour elle-même, pour préparer l'avenir, les nouvelles industries, l’Europe de l'énergie, le renouvelable.

Soyons très précis. L'un et l'autre vous avez dit qu'il manquait une Europepolitique. Est-ce que l'un et l'autre vous êtes prêts à dire : « on va faire uneEurope fédérale », c'est-à-dire que l'État français va abandonner une partiede sa souveraineté budgétaire et fiscale pour que l'Europe existe vraiment etpuisse avoir une vraie place sur la scène mondiale ?

MA : Il ne faut pas commencer par cela. Pour qu'il y ait une Europe fédérale, je préfère le terme de mon père qui est la configuration d'États Nations, des États nations qui restent des nations mais qui décident ensemble de gérer un certain nombre de problèmes: la politique énergétique, la politique de défense, la politique économique où rien n'existe aujourd'hui.

Pas de ministre unique par exemple pour certains de ces domaines ?

MA : Ministre unique, ça n'a aucun sens. On fait semblant de faire des réunions. Il faut que ce soit plus politique. C'est pour ça que je demande que le président de la commission européenne soit élu par le parlement européen de manière totalement démocratique. Qu'on avance avec une avant-garde aujourd'hui de pays qui veulentaller plus vite dans un fédéralisme politique et économique, et je crois que nous allons le faire. Si je gagne en mai 2012...

Vous y êtes favorable ?

MA : Bien évidemment.

Avec des abandons de souveraineté pour la France ?

MA : Oui. Il faudra discuter y compris avec les Allemands avec une très grande franchise. Ils sont d'accord maintenant qu'il faut un SMIG : ils font concurrence à nos agriculteurs actuellement parce qu'il n'y a pas de salaires négociés dans ce secteur. Donc il faut avancer.

C'est le SPD qui est d'accord là-dessus.

MA : Ils sont en train de gagner toutes les élections.

Mais en 2012 ça ne sera pas le SPD.

MA : Mais quelques mois après j'espère que ce sera le SPD. De toute façon je suis quelqu'un qui se bat. J'ai fait le tour de toutes les capitales européennes, je commencerai au lendemain de mon élection. Le 7 mai j'irai voir madame Merkel, c'est avant l'arrivée du SPD que j'espère beaucoup et je ferai le tour de l'ensemble des capitales. On ne réussit que comme ça.

François Hollande, il faut aller en avant vers le fédéralisme avec desabandons de souveraineté pour la France ?

FH : L'Europe ne peut pas continuer ainsi, ce temps-là ne peut pas continuer et j'en prends acte. J'ai cru, j'ai été et je suis encore européen mais ce modèle de construction européenne est achevé. Qu'est-ce qu'il s'est produit ? On a fait une grande Europe et on a bien fait : il fallait bien accueillir les pays qui se libéraient de l'Empire Soviétique. On les a accueillis et on a fait une Europe à 27 avec toutes les règles de l'unanimité. Ça ne peut plus marcher. Qu'est-ce qu'il va falloir faire ? Cette Europe à 27 va demeurer. On aura un espace politique, un espace de droit, un espace de circulation et on vit ensemble. Mais c'est une confédération en définitive. Et au milieu de cette confédération il y aura un bloc qui va se fermer. Un premier cercle qui va se construire, avec la France et l'Allemagne parce que c'est de ce moteur dont nous avons besoin. Et c'est ensemble que nous allons dire : qu'est-ce qu'on veut faire ensemble ? La vraie discussion avec madame Merkel ou avec son successeur que j'aurais engagé, la vraie discussion est celle-là : « qu'est-ce que nous faisons ensemble ? »

Elle demande une règle d'or, vous n'en voulez pas.

FH : Qu'est-ce que nous faisons ensemble sur la politique budgétaire ? Elle dit : « on a fait un effort, pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? » Nous allons dire : « si nous faisons un effort pour maîtriser notre dette vous devez faire un effort pour soutenirnotre croissance. Puisque vous avez d'excellents commerciaux que vous avez constitués sur nous. Donc il faut que vous relanciez votre demande intérieure ». Deuxièmement : qu'est-ce qu'on fait ensemble ? La solidarité. On est capable d'avoir un espace solidaire, donc avec des règles sociales et des règles fiscales communes. Si nous ne faisons pas cette Europe qui se construira avec la zone €, si elle ne se détruit pas, aujourd'hui la menace est là, si on ne fait pas cette Europe ce sera la dilution du projet européen. Et je ne l'accepte pas. C'est pourquoi je me battrai pour que cette Europe de premier cercle, d'avant-garde puisse seconstituer. Ce sera la raison aussi qui nous permettra de convaincre notre opinion publique. Qu'est-ce qu'on fait ensemble pour l'énergie, pour l'industrie, pour notre protection par rapport aux pays émergents ? Ça sera un beau projet.

On comprend que vous avez à peu près le même horizon. Une questionencore sur la Turquie.

Vous dites « une Europe de premier cercle », qu'est-ce qu'on fait de laTurquie ? Est-ce qu'on lui dit que jamais elle ne pourra rentrer dansl'Europe ou est-ce qu'il faut accueillir la Turquie dans l'Europe ?

FH : Il faut lui dire la vérité, il ne faut pas la laisser penser que ça va se faire à horizon proche.

Quelle est la vérité ?

FH : Il y a une négociation qui est engagée, qu'il faudra poursuivre, qui sera très longue parce qu'il y a des conditions qui sont posées, qui ne sont pas réunies. Dans 1 an, 1,5 an la Turquie va sans doute bloquer un certain nombre de décisions parce que c'est Chypre qui va présider l'Union Européenne. Tant que le problème de Chypre n'est pas réglé comment peut-on avoir une négociation qui se poursuit avec la Turquie qui n'accepte pas la partie grecque ?

Martine Aubry ?

MA : Je suis pour qu'on continue le processus en disant aux Turcs : « il faut que vous continuiez à avancer. Vous êtes loin du bout. Vous n'avez pas encore reconnu vos minorités, vous n'avez pas reconnu le génocide arménien » je souhaite qu'on puisse le faire. Mais je ne suis pas pour qu'on ferme la porte à la Turquie car elle peut être un lien parfait avec le monde arabe. Mais il y a des étapes, des étapes, des étapes. Ne fermons pas la porte mais disons-leur « avancez dans ces étapes et nous en discuterons ». Ça prendra du temps mais il faut tenir ce discours. Ce qui m'a beaucoup meurtrie, je connais bien la Turquie,e c'est qu'aujourd'hui les partis démocrates et républicains en Turquie ne veulent plus de l'Europe parce qu'on les a trop méprisés. Ce sont les Islamistes qui veulentêtre européens. Je préférerais que ce soit les partis républicains qui fassentavancer les conditions que nous avons mises à juste titre.

N'est-ce pas leur donner l'illusion d'une prochaine entrée dans l'Union ?

MA : Non, ils savent que ça prendra 10, 15 ans. Ça va prendre un temps fou mais ne fermons pas la porte possible s'il y a ces avancées démocratiques. C'est comme ça aussi que l'Europe peut faire avancer la démocratie dans le monde.

On va parler du profil idéal du candidat tel que vous l'imaginez, du candidatsocialiste et de l'exercice du pouvoir tel que vous l'imaginez. Quellerépublique, quelle présidence ? François Hollande, est-ce que la capacitéd'un candidat à battre Nicolas Sarkozy, puisque selon toute vraisemblancece sera lui qui vous sera opposé avec d'autres doit faire partie des critèresde choix de celui qui sera désigné dimanche ? Je pense bien sûr auxenquêtes d'opinion.

FH : C'est à chacun d'apprécier. C'est le sens de cette primaire. C'est à chacun de se dire : « qui peut être le mieux à même » ? Je ne dis pas le plus capable mais le mieux à même de battre Nicolas Sarkozy.

Il faut regarder les sondages ?

FH : Non. Pourquoi regarder les sondages ? Regarder les personnes, regarder les démarches, regarder les capacités à rassembler. Qui peut être le mieux à même de battre Nicolas Sarkozy ? Ça ne suffit pas. Ce n'est pas simplement battreNicolas Sarkozy. Ce qu'il faut c'est faire avancer la France. C'est réussir. C'estdonner une vision. C'est porter un projet, donner de la fierté. C'est de rassembler le pays et lui dire : « nous avons un grand engagement ensemble, à la fois relevernotre économie mais aussi donner à notre jeunesse la possibilité de réussir ». C'est ça une présidence. C'est être capable d'offrir un nouveau temps pour l'action et un nouveau temps pour le rassemblement autour d'un bel objectif.

Pourquoi pensez-vous que vous êtes le meilleur pour cela ?

FH : Si je ne le pensais pas je ne serais pas candidat. Même s'il y a une forme d’immodestie ou de prétention. Mais ce n'est pas de ça dont je veux parler. Je me suis engagé depuis de longs mois dans cette démarche. Je l'ai fait en ne sachant pas qui serait candidat au sein du Parti socialiste. Je ne le savais pas, et j'avais du respect pour chacune et chacun qui pouvait l'être. Je me suis engagé parce que je me suis dit à un moment je corresponds peut-être, en tout cas c'était mon intuition, c'était mon sentiment, à l'inspiration du pays. Qu'est-ce que veut la France, grand pays ? Elle veut une présidence qui soit tout à fait différente de celle que nous connaissons. Elle veut une présidence solide, une présidence qui puisseêtre solidaire et respectueuse. Tout ce qui n'a pas été fait. J'ai compris qu'elle voulait qu'il y ait un homme, une femme, qui puisse se lever et dire : « rien n'a été normal depuis 5 ans ». Un président qui capte le pouvoir pour lui-même, un président en connivence avec les milieux d'argent, une présidence qui s'accommode y compris des pressions sur la justice, qui protège ses amis, qui n'a pas de morale publique. Cela justifiait déjà mon engagement. Et il y avait une autre idée : la justice. Être capable de réduire les inégalités, offrir une perspective de promotion. Rien n'a été juste depuis 5 ans. Je veux être le président de la justice.

Martine Aubry, est-ce que ce critère, celui qui sera le plus apte à battreNicolas Sarkozy et donc forcément en jetant un œil sur les sondages mêmesi on connaît leurs limites, ça doit faire partie des critères de choix ?

MA : Ces sondages je veux qu'on les regarde. Les sondages sur les Primaires : les Français ont dit qu'ils en pensaient. Quand on regarde les sondages « qui peutbattre Nicolas Sarkozy ? » François Hollande contre Nicolas Sarkozy, Martine Aubry contre Nicolas Sarkozy. J'ai vu les trois derniers, nous sommes à 1 point de différence, 58, 59%. Donc aujourd'hui nous pouvons battre Nicolas Sarkozy. La question qui se pose c'est quelle présidence et qu'est-ce qu'on veut faire de notre pays.

Sur le profil, est-ce que l'expérience doit faire partie du bagage d'uncandidat ? Vous avez été plusieurs fois ministre, vous avez été numéro 2 dugouvernement.

MA : Ce n'est pas seulement ministre. Je pense que l'expérience est majeure. Nous sommes dans un pays qui va mal, il va falloir garder le cap. J'ai travaillé en entreprise, j'ai dirigé une grande ville, une grande métropole, j'ai été numéro 2 du gouvernement dans une période où il n'était pas facile de réduire le chômage, derétablir les comptes de la sécurité sociale, de faire des grandes réformes de société. Ce n'était pas non plus évident de les faire et de les réaliser. Je crois dans tout ce que j'ai fait que j'ai appris. J'ai appris des ingénieurs de Péchiney comme j'ai appris beaucoup des fonctionnaires avec qui j'ai travaillé. J'ai appris dans la grande métropole et l'euro métropole que je préside, j'ai beaucoup appris en étant 2 fois ministre.

C'est un handicap pour François Hollande de ne jamais l'avoir été ?

MA : Je ne parle pas des autres, je dis ce que sont mes avantages. On parlait tout à l'heure du contrat Génération, je le dis en toute amitié à François : ça ne marche pas. Et c'est là où l'expérience a un sens parce qu'on l'a fait, on sait que ça ne marche pas. J'écoute les syndicats, je sais qu'ils ont aussi raison. Je crois réellement que l'expérience est nécessaire. Deuxièmement, François parle beaucoup du rassemblement depuis 2, 3 jours. J'ai trouvé un Parti socialiste qui n'était pas rassemblé. J'ai mis 3 ans, ça n'a pas été facile. La première année m'a rendu très triste, j'avais l'impression que nous n'avions plus envie de faire de la politique ensemble, nous n'avions plus envie de nous tourner ensemble vers les Français. J'ai rassemblé, j'ai passé 3 ans ensuite à avoir des relations de confiance, Cécile Duflot le disait hier, avec les écologistes, avec tous les partis de Gauche. Les relations de confiance ça ne veut pas dire ce qu'ils veulent entendre, c'est leur dire avec franchise : « voilà ce que nous allons construire ensemble, voilà nos différences ». Et j'ai passé beaucoup, beaucoup de temps avec nos partenaires européens parce que j'en avais assez que nous préparions, je l'avais fait souvent, de très beaux projets pour l'Europe et qu'ensuite nous arrivions et que les autres nous disent « vous êtes bien gentil mais c'est votre idée, ce n'est pas la nôtre ». Donc l'expérience c'est important ainsi que la capacité à rassembler parce qu'on a confiance en vous. On a aussi confiance en moi parce que je suis claire, je ne change pas de position. Pour moi la constance est essentielle.

On entend en creux « François Hollande change de positions ».

MA : Il a changé de positions sur certains points, il a le droit. Il faut que les Français le sachent. Je dis aux Français : « c'est à vous de décider ». La solidité pour moi c'est aussi la clarté. Quand on voit qu'on va arriver, lui ou moi, j'espère moi et je pense moi, après le président Sarkozy qui aura fait des promesses et des promesses qu'il n'aura pas tenues, les Français veulent qu'on dise très clairement ce que je vais faire, ce qu'il va faire clairement et solidement. Le flou est la pire des choses, c'est ce qui fait qu'on s'écarte de la politique. Je fixe clairement un chemin et je dis comment je vais y aller. Après ça on est d'accord, on n'est pas d'accord : c'est la démocratie et c'est pour cela que j'ai voulu les Primaires.

FH : Chacun a son expérience, chacun a sa clarté. Et ça sera finalement mesuré par les Français eux-mêmes pour le vote de dimanche. Mon expérience, la mienne, moi, je suis un homme de ténacité. J'ai fait de la politique très jeune. J'ai été candidat à 26 ans dans une circonscription, c'était Jacques Chirac qui était le député. J'ai gagné tous les mandats que j'ai conquis sur la droite. Je me suis enraciné sur cette terre. Je suis devenu le principal élu. Je suis fier d'ailleurs qu'elle m'ait donné sa confiance. Je suis aussi un homme qui a été dirigeant politique pendant 11 ans. C'est très important. Une grande partie de ma vie, je l'ai consacrée au PS, deux ans comme porte-parole, 11 ans comme premier secrétaire, 5 ans avec Lionel Jospin au gouvernement. Et je lui sais grès de m'avoir associé, différemment des ministres, j'étais premier secrétaire, mais associé à toutes les décisions. J'ai appris beaucoup avec lui. Et puis après, moi j'ai vécu des épreuves. Le 21 avril 2002, il n'y avait pas grand monde pour redresser le PS. Je l'ai pris parce que c'était mon devoir. Je l'ai remonté. On a eu des victoires. On a eu des épreuves. J'ai surmonté les épreuves, j'ai partagé les victoires. Et puis après, j'ai laissé le PS. Ce n'est pas moi qui suis le protagoniste d'un congrès qui s'est terminé comme on sait. J'ai fait en sorte que ce que j'ai fait soit utile. Mais en même temps, je revendique d'être neuf parce qu'il faut des solutions neuves. Martine, tu dis, on n'a pas essayé, ou ça n'a pas marché. Moi je veux du neuf. Après, on regardera. Je discuterai avec les partenaires sociaux mais il fait du neuf, faut trouver des nouvelles pistes de travail. De la même manière et même si je reconnais tout ce qui a été fait en 81, 88, 97 mais en 2012, les problèmes se posent tellement différemment. Il faut trouver des solutions. Vous les avez évoquées avec nous ces solutions parce qu'on est dans un moment de crise, parce qu'il y a des dettes très importantes, il y a des urgences sociales. On n'a pas parlé du logement, de la précarité, de la situation des jeunes. Il faut prendre ces problèmes et je vais apporter à chaque fois, pas seul, parce que moi, je vaisrenouveler aussi les équipes. Je ne suis pas un président qui décidera tout seul. Ça, c'est Nicolas Sarkozy qui l'a fait. Moi, je veux être un président qui associera... et je vais renouveler et faire en sorte qu'une nouvelle génération arrive, sans mepriver de celle qui a de l'expérience. Parce qu'on a besoin de l'expérience, mais il faut du nouveau. Et puis enfin, sur le rassemblement, je n'ai pas de preuves àfaire. Je le fais tous les jours, y compris dans cette primaire.

Deux petites questions institutionnelles et puis on en viendra à la conclusion. Première question : le droit de vote des immigrés aux élections locales. Il est dans le programme du PS, est-ce que vous dites ce soir « j'appliquerai le programme sur ce point précis ».

FH : Oui c'est dans le programme mais ce n'est pas parce que c'est dans le programme. Il y a longtemps que c'est dans le programme et que ça n'a pas été fait. Pourquoi ça n'a pas été fait ? Parce qu'il fallait avoir l'accord de l'assemblée nationale et du Sénat. Au Sénat, il y a une majorité de gauche aujourd'hui et donc l'engagement que nous prenons, car je ne veux pas me différencier là-dessus, c'est que dès notre arrivée aux responsabilités en 2012, nous aurons à faire cette évolution, qui d'ailleurs dans la plupart des pays européens pour les étrangers qui sont dans notre pays depuis cinq ans. Ils pourront voter aux élections locales et c'est une dignité qui leur sera reconnu et à leurs enfants. Parce que quand les enfants ont le droit de vote mais pas les parents, et bien les enfants ne comprennent pas.

MA : ça fait 25 ans que je le demande. Je crois avoir signé un papier avec Adeline Hazan, il y a très longtemps et nous n'étions pas tous d'accord. Maintenant je crois qu'au PS tout le monde est d'accord pour cela. Effectivement, le fait d'avoir gagné le Sénat, j'en suis très fière, on a aussi montré une autre image du PS qui nous a permis de le gagner, va nous permettre de faire passer une réforme constitutionnelle par exemple sur l'indépendance de la justice mais aussi ce droit de vote des étrangers aux élections locales. C'est vraiment un vrai progrès que nous attendions depuis longtemps, que j'attendais depuis longtemps.

Deuxième question institutionnelle. Est-ce que le présent de la république aujourd'hui en France a trop de pouvoir ?

MA : Le président de la république aujourd'hui, c'est sa pratique politique qu'il faut d'abord changer.

Plus que ses attributions ?

MA : Les deux. La pratique politique, c'est qu'il a déjà dit que son premier ministre était un collaborateur. En revanche, son cabinet parle comme s'il était les ministres. Pour moi, un président de la république doit incarner les valeurs de la France, l'histoire de la France. Je le dis avec tristesse, Nicolas Sarkozy a rabaissé la fonction et a rabaissé la France, y compris au niveau international. Il faudra luiredonner une voix, une voix qui a été contraire à Dakar, une voix contraire quand il ne défend pas l'État palestinien et la reconnaissance bien sûr de l'État d’Israël, une voix contraire quand il ne pousse pas l'Europe à avancer et qu'il essaie de faire des petits arrangements avec madame Merkel. Donc il faudra effectivement retrouver la voix de la France et une autre présidence qui incarne et qui veut rassembler les Français alors qu'il n'a cessé de les diviser.

Ma question, c'était les contre-pouvoirs.

MA : Oui. Mais la pratique du pouvoir, c'est important. C'est pour ça que j'ai proposé aussi une réduction des trains de vie avec 30% de réduction du salaire du président de la république. C'est symbolique mais ce n'est pas inintéressant. Deuxièmement, il faut évidemment, et c'est pour ça qu'il faut une constitution modifiée, des nouveaux pouvoirs au parlement parce que le parlement, vous l'avez vu, on rentre à l'OTAN, on continue la guerre en Afghanistan, on veut préparer un plan d'austérité... Le parlement n'a plus aucun poids, il faut le lui redonner. Troisièmement, parce que pour moi, c'est majeur, dans ce climat d'affaires, où la morale est passé à l'arrière de tout, il faut redonner une indépendance à la justice en modifiant le conseil supérieur de la magistrature pour le rendre indépendant, la nomination, la promotion des procureurs et des magistrats doit être totalement indépendante du pouvoir politique. Et puis moi, comme je suis une femme de gauche, je veux aussi une politique pénale qui redonne son sens à la sanction et que par exemple on refuse, on abroge les peines planchers, la détention de sûreté, qui sont contraires aux idées mêmes qui sont celles de la France. Il faut protégeraussi la liberté des médias. Quand on voit ce qui a été fait sur la protection des sources, mais aussi vis-à-vis des journalistes. Et puis il faut un pays qui s'ouvre. La négociation collective, quand on a tant méprisé, y compris les gens qui étaient dans la rue, la décentralisation avec une troisième étape, c'est la modernité demain. Bref, il faut une démocratie qui respire et à cet égard, les primaires, je les avais conçues comme un premier souffle. La façon dont je veux présider la France, c'est donner la parole aux Français aussi sur des grandes questions, je pense à la bioéthique, au droit à choisir sa fin de vie... Voilà des sujets qui nécessiteraient de la part du président peut-être plus de hauteur et plus d'incarnation des valeurs de notre pays et l'envie de rassembler.

François Hollande, est-ce que le président de la république a trop de pouvoiraujourd'hui en France ?

FH : Oui et il les exerce en plus mal. Il avait parlé d'une République irréprochable, nous sommes dans une République irresponsable. J'ai deux propositions à faire. Je suis pour une République exemplaire, c'est-à-dire que le chef de l'État doitmontrer d'exemple. Première réforme, il faudra faire le statut pénal du chef de l'État. Il n'a pas à être irresponsable. Deuxième réforme à faire, il n'a pas à fairepression sur la justice. Il y aura donc l'indépendance de la magistrature et la fin de la nomination des parquets, des procureurs comme c'est le cas aujourd'hui. Il faut que ce soit une République exemplaire également sur le plan des nominations. Le conseil constitutionnel, je vais faire la proposition d'une réforme du conseil constitutionnel. Ce n'est plus possible que ça se fasse avec des nominations qui viennent du président de la république ou des présidents de chacune des assemblées. Il faudra que ce soit contrôlé par le parlement. Parce que c'est, finalement, une façon d'associer des personnalités nouvelles à des décisions très importantes. Et puis République exemplaire également sur la question de la réforme des modes de scrutin parce qu'il faut qu'il y ait un parlement qui puisseaugmenter la diversité de notre pays, le pluralisme de notre pays. Et enfin, République exemplaire sur l'audiovisuel, il en sera terminé de la nomination par le chef de l'État du président de l'audiovisuel. Deuxième principe que je veux poser, c'est la République contractuelle. C'est-à-dire que le président de la république ne peut pas décider pour tous, de tout, partout. C'est quoi la république contractuelle ? C'est premièrement avoir un contrat avec les collectivités locales, la décentralisation mais aussi le rapport avec les élus locaux. On a une chance formidable avec les territoires. C'est un levier de croissance de démocratie, d'animation. Deuxième contrat, avec les partenaires sociaux. Il faut que le principe de la négociation collective, il faut que le rôle des syndicats soit reconnu davantage qu'aujourd'hui. Et puis troisième principe de cette République contractuelle, c'est avec les citoyens. Et moi je suis pour de grands débats citoyens. On n'a pas évoqué ce soir la transition énergétique, le débat écologique, l'avenir du nucléaire... Et bien ça se fera à partir, aussi, des débats citoyens. Moi, j'aurais ma position, elle est connue. Mais ça sera à travers des débats citoyens qu'on clôturera cette procédure et qu'on déterminera l'avenir du pays sur la transition énergétique.

On arrive au terme de cette émission et à la conclusion. C'est vous qui aurez le dernier mot François Hollande, puisque c'est Martine Aubry qui a commencé. Et peut-être, en guise de conclusion, je voudrais vous poserune question un peu plus général sur le discours du changement. Est-ce que vous ne prenez pas le risque en disant « je suis le candidat du changement, je propose un changement pour la France » de provoquer à nouveau des désillusions. On a entendu ce discours à gauche en 1981, peut-être un peu moins en 97 mais on l'a entendu aussi à droite d'une certaine manière. À chaque fois, il y a eu beaucoup de déception, même s'il y a eu d'un côté comme de l'autre des changements. Est-ce qu'on peut encore tenir ce discours aujourd'hui, dans le contexte d'aujourd'hui et en 2011, dans la période que nous vivons ?

MA : c'est ça que j'appelle la gauche forte parce que dans le fond, j'ai fait des propositions pour sortir de la crise, c'était absolument nécessaire mais si on ne s'attaque pas aux racines du mal, si on ne change pas profondément le modèle dans lequel on est, en devenant social, plus durable, si on ne remet pas la justice au cœur de tout, et bien la France sera dans le déclin et les Français iront de plus en plus mal. Donc des propositions claires en disant comment nous allons effectivement les financer. Deuxièmement, je voudrais dire aux Français dimanche prochain, je ressens, et c'est ce qui me donne cette force et cet enthousiasme, je ressens à nouveau un goût de la politique. Dans le fond, Nicolas Sarkozy a essayé pendant ces 5 années, qui ont été cinq années de promesses non tenues, d'atouts de la France non utilisées, d'injustices comme on en a jamais vues, il a essayé defaire croire aux Français qu'il n'y avait plus de progrès possible. Et moi je veux leurdire oui, nous sommes dans une période difficile, oui, je l'ai dit, il faudra réduire les déficits publics mais nous le ferons de manière juste. Il y a la place pour un progrès. François Hollande disait tout à l'heure « il faut des idées nouvelles » mais moi, les idées nouvelles, j'en propose, une allocation autonomie par exemple pour les jeunes, pour qu'ils réussissent à l'université, un droit à la formation tout au long de la vie, pour que les salariés soient préparés aux emplois de demain, permettre, ce n'est pas facile, mais que les médecins aillent dans tous les territoires ruraux et les banlieues, parce que là, l'accès aux soins n'existe pas aujourd'hui, réformerprofondément les services publics. Je voudrais juste dire à tous ceux qui se disent que le progrès est possible, qu'on a envie de retrouver la France qu'on aime, allezvoter plus nombreux dimanche prochain. Et je voudrais dire un mot aux jeunes qui ont plus de 18 ans, qui peuvent aller voter et qui commencent à revenir, je les vois très nombreux autour de moi, et ça me donne un enthousiasme formidable. Je leur dis, voilà, les 5 prochaines années, c'est les 5 plus belles années de votre vie, nous on rêve tous de revenir entre 18 et 25 ans, les gâchez pas, préparez votreavenir et votez pour celle qui défend vraiment le changement profond et qui vous fait confiance. Et puis je le dis aux femmes, je dis oui, une femme présidente de la république, dont la première mesure, je l'ai déjà préparée, sera de faire voter cette loi sur l'égalité salariale homme femme. Mais c'est surtout dire à toutes les femmes de France qu'il n'y a plus un seul endroit où vous ne pourrez pas être et nous combattrons ensemble les violences faites aux femmes, nous consoliderons les droits des femmes qui sont remis en cause aujourd'hui. Et comme je pense qu'il y a beaucoup d'hommes de gauche qui sont pour l'égalité, je pense qu'ils peuvent être aussi sensible à ce message de l'égalité homme femme parce que quand on traite ce problème, on traite aussi toutes les autres formes d'égalité. Donc je compte sur vous tous qui vraiment voulez retrouver la France qu'on aurait jamais dû quitter, la République, une France rassemblée au-delà du peuple de gauche, alors qu'on a voulu nous diviser. Je compte sur vous dimanche prochain parce que les primaires, c'est cela, c'est voter avec son cœur et avec sa raison.

Les chronomètres s'affichent, François Hollande, il vous reste 2' 15''. Ce sera donc le mot de la fin.

FH : Je suis aussi sensible au fait que les femmes doivent prendre toute leur place mais il se trouve que je suis candidat et que je ne peux pas être proposé par Martine Aubry, j'en suis désolé, mais ma volonté restera intacte là-dessus. Je vais vous dire les choses tout simplement parce que nous sommes à la fin de ces primaires qui ont été un moment extrêmement chaleureux sur le plan démocratique. Il faut faire un choix. Le choix, il est toujours un pari. C'est toujours un acte de confiance. Quel est ce choix ? C'est de faire que celui ou celle qui vagagner ces primaires puisse être d'abord quelqu'un qui rassemble, il fautrassembler, quelqu'un qui emmène le pays, qui rassure, qui réconcilie, qui fasse que tous ceux qui doutaient de la politique, parce que trop de promesses ont été faites, trop de promesses sont encore faites, il faut des actes, puisse se dire voilà, nous allons connaître là, dans un moment extrêmement difficile, une vraie espérance, un vrai moment, une page d'histoire. Moi, j'ai conscience de ce qui êtreprésident de la république. Nous sommes dans un grand pays. La France n'est pas n'importe quelle nation. C'est la nation qui, en Europe, joue un rôle moteur. C'est la nation qui est attendue sur la scène internationale. C'est une nation qui a une grande histoire et qui connaît bien sûr les souffrances individuelles, je les ai rencontrées, mais en même temps une fierté d'être nous-mêmes. Et bien c'est ce moment-là que je veux faire retrouver aux Français, la fierté d'eux-mêmes, la capacité d'agir. Nous avons plein de défis à relever, la crise, les finances, la capacité de créer des emplois mais je dis que tout ce que nous ferons, les marges de manœuvre que nous allons finalement dégager, je les mettrai au service de la réussite de la génération qui vient, parce qu'il faut un thème qui dépasse, il faut un grand enjeu, une grande cause. Et donc je dis aux Français, s'ils ont cet acte de confiance, il faut que le rassemblement que j'ai commencé à faire, qui produit ses effets, puisse se confirmer dimanche. J'ai été en tête au soir de ces premiers tours de primaire, il faut que je sois largement victorieux pour que nous puissionsavancer et avancer vers la victoire en 2012. je veux être le président de la victoire.

Le Monde.fr

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